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Culture Crisis, Anthropology and Politics in Aboriginal Australia, co-édité par Jon Altman et Melinda Hinkson | Martin Préaud - 2 de noviembre de 2011

Compte-rendu de l’ouvrage co-édité par Jon Altman et Melinda Hinkson, Culture Crisis, Anthropology and Politics in Aboriginal Australia, Sydney, University of New South Wales Press, 2010 (288 pages).

Cet ouvrage collectif réunit la contribution de quinze anthropologues australianistes affrontant moins la crise de la culture que de leur discipline dont l’un des concepts directeurs est devenu en une quinzaine d’années un sujet de débat public et politique hautement controversé. L’introduction d’Hinkson, fait clairement le point sur ces « culture wars » australiennes les replaçant dans leur contexte historique et politique de renversement du consensus qui prévalait depuis les années 1970 selon lequel le maintien et le respect de la différence culturelle des Aborigènes devait permettre leur bien-être et celui de la nation. Le déclencheur de cette publication fut la sortie, en 2009, de l’ouvrage de Peter Sutton, The Politics of Suffering : Indigenous Australia and the end of the liberal consensus (Melbourne University Press), dans le prolongement et en soutien de l’Intervention d’Urgence dans le Territoire du Nord (1). Sutton attribue dans son livre un rôle clé à la culture aborigène dans les situations de violence et de pauvreté auxquelles sont confrontées la plupart des communautés autochtones du nord et du centre de l’Australie, légitimant ainsi la prise de contrôle dramatique de 73 communautés par le Gouvernement dans le Territoire du Nord.

Organisées en quatre grandes parties thématiques - le problème de la reconnaissance, le problème de la violence, compter avec la culture, imaginer des futurs - les contributions tentent de répondre à deux grandes séries de questions à travers l’ouvrage : comment les anthropologues ont-ils pu garder le silence sur la violence et la souffrance qu’ils rencontraient sur le terrain ? Comment l’anthropologie peut-elle renouveler son objet et sa pratique afin de répondre aux défis qui lui sont posés par l’instrumentalisation politique et médiatique du concept de culture? Cette double interrogation reflète le « dilemme postcolonial » auxquels les anthropologues sont confrontés et que Kowal, partant de son étude des travailleurs de la santé dans le Territoire du Nord, explore en détail dans son chapitre : comment concilier progrès social et maintien des différences culturel alors que l’idée selon laquelle les communautés isolées permettaient justement de résoudre cette contradiction semble avoir vécu ? La grande qualité de l’ouvrage est d’offrir une pluralité de perspectives et de propositions visant à surmonter cette tension.

Quant au silence des anthropologues sur les situations de souffrance qu’ils rencontraient, plusieurs auteurs (Langton, Austin-Broos, Beckett) font l’hypothèse d’une incapacité à affronter les transformations sociales et démographiques traversées par les sociétés autochtones depuis les années 1970 et l’instauration de politiques de reconnaissance, voire d’une réticence à les promouvoir par delà les prérogatives admises de l’Etat (Peterson). Les mêmes auteurs mettent cette incapacité en relation avec l’implication concrète des anthropologues dans les luttes autochtones, en particulier dans le cadre de revendications foncières qui, du fait même des termes de la législation, mettent plus l’accent sur les continuités culturelles que sur les changements historiques. D’autres auteurs mettent pour leur part en lumière la construction historique (Austin-Broos, Cowlishaw), médiatique (Hickson) et même statistique (Rowse) des communautés du nord et du centre de l’Australie comme séparées du reste de la nation australienne. L’anthropologie australianiste aurait ainsi échoué à représenter les Aborigènes comme des co-nationaux (Beckett).

Plusieurs pistes sont envisagées pour surmonter et dépasser ces tensions, cependant l’analyse critique des pratiques de l’Etat-nation se construit en thème au fil de l’ouvrage. Une déconstruction des politiques néo-libérales à l’égard des Aborigènes – et de l’ouvrage de Sutton qui paraît les soutenir – est entreprise par Lattas et Morris dans une optique foucaldienne, dénonçant la manière dont « la communauté blanche dominante a fermement réaffirmé son droit souverain à organiser les vies autochtones afin de surmonter leur propre incapacité personnelle et collective à se gouverner et prendre soin d’eux » (p. 81). Dans son chapitre qui ouvre la collection, Povinelli entreprend une critique détaillée des transformations du libéralisme, affirmant que l’Intervention représente moins un basculement de paradigme qu’un changement de polarité au sein du libéralisme confronté à de nouveaux mouvements sociaux. A l’autre extrémité de l’ouvrage, Altman, développant son modèle d’une économie hybride propose une vision alternative aux modèles de développement qui ne propose que l’assimilation au marché comme perspective aux autochtones, explorant les croisements productifs entre les secteurs coutumiers, du marché et de l’Etat.

Cowlishaw appelle de ses vœux un changement de focale ethnographique et à une revalorisation de la discipline anthropologique pour ce qu’elle a de spécifique : « fournir des preuves, des analyses et des critiques des processus sociaux avec une sensibilité particulière aux dimensions culturelles du pouvoir » (p. 48). Elle invite les chercheurs à se tourner vers une étude de la culture de la société australienne non-autochtone et en particulier des agents de l’Etat, souhait en partie réalisé par les trop rares articles proprement ethnographiques de l’ouvrage : celui de Musharbash consacré aux relations aveugles entre les habitants de Yuendumu et les fonctionnaires qui s’y succèdent, celui de Lea qui interroge de l’intérieur les pratiques des enseignants travaillant en contexte autochtone, ou encore l’article de Kowal consacrée aux contradictions postcoloniales des travailleurs de santé, chercheurs et bureaucrates dans le Territoire du Nord. Merlan et Austin-Broos démontrent l’intérêt qu’il y a à sortir de l’urgence politique et médiatique pour développer une perspective d’anthropologique élargie dans des articles consacrés respectivement à la problématique des abus sexuels dans leur lien aux transformations démographiques et à une compréhension anthropologique de la violence alimentée par une étude dans la durée de la construction des conflits de valeur.

Il est possible de regretter que le concept de culture lui-même ne soit pas discuté dans les différentes contributions, mais la pluralité des points de vue construit une riche mosaïque dont l’un des aspects les plus intéressants est la qualité réflexive due à des chercheurs conscients que leur discipline n’a rien perdu de son ambivalence dans une phase qui serait postcoloniale. Si l’essai de Musharbash explore comment « le Territoire du Nord, ici et maintenant, devient deux mondes, habités par deux peuples qui voyages sur des routes différentes non seulement métaphoriquement mais aussi littéralement » (p. 223), la question se pose dans des termes similaires aux anthropologues dans leur pas de deux avec les politiques australiennes à l’égard des Aborigènes : comment voyager de concert vers une compréhension complexe de la relation autochtone, ancrée dans la reconnaissance d’une histoire partagée et d’un avenir nécessairement commun ? L’ouvrage n’apporte pas de solution simple mais pose les questions pertinentes.

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  • (1) De nombreuses références sont disponibles en ligne dont le site du gouvernement fédéral consacré à l’Intervention : http://www.facs.gov.au/sa/indigenou…; ou le site NTER qui recense critiques et ressources militantes. Un premier ouvrage collectif des mêmes éditeurs avait été publié en réponse à cette législation : Coercive reconciliation : Stabilise, Normalise, exit Aboriginal Australia, 2007, Melbourne : Arena Publications

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