Les questionnements éthiques en recherche ont longtemps été cantonnées aux réflexions philosophiques ou au seul domaine de la recherche biomédicale. Aujourd’hui cependant, les problématiques éthiques se retrouvent dans l’ensemble des sciences et des activités humaines, et sont formalisées sous la forme de codes de conduite, de protocoles ou sont l’objet de codification juridique. Avec le développement du régime et des institutions des droits de l’homme, chaque discipline ou secteur d’activité se confronte à la question de savoir comment agir au mieux.
Un souci éthique de perfectionnement social a sans doute été au cœur du développement de la discipline anthropologique, en Europe comme dans le monde Anglo-Saxon. Mais c’est la dimension pratique, celle du terrain d’enquête où se rend le chercheur, qui a été la source la plus importante de la formalisation des questionnements et recommandations éthiques par des instances disciplinaires.
La « Déclaration des Problèmes d’Ethique dans la Recherche Anthropologique » publié par le Conseil Exécutif de l’American Anthropological Association en 1967 est sans doute le premier document établissant les principes éthiques de la recherche anthropologique. En pleine guerre du Viêt-Nam, et dans le cadre plus général de la Guerre Froide, il s’agissait pour les anthropologues, de se prémunir des tentatives d’instrumentalisation de leurs travaux par leurs gouvernements et armées. Depuis lors, l’AAA a régulièrement publié et mis à jour ses Codes pour l’Ethique en Anthropologie.
Le développement d’une exigence éthique dans la recherche menée avec les autochtones obéit, elle, à une trajectoire différente. Il ne s’agit pas au départ d’un questionnement réflexif de la part de praticiens confrontés à des dilemmes. C’est le résultat d’une mobilisation pour la reconnaissance de l’humanité pleine et entière de la part de ceux qui furent longtemps seulement considérés comme des objets de recherche. A la demande politique de partenariat que les deux décennies relatives aux peuples autochtones ( 1995-2004 ; 2005-2014) et l’UNDRIP incarnent correspond l’exigence éthique de collaboration.
Aux Etats-Unis, la critique de l’anthropologie par l’auteur Lakota Vine Deloria Jr témoigne de ce changement. Le livre de Linda Tuhiwai Smith, Decolonizing Methodologies (1999) développe une critique radicale contre une recherche exercée sur plutôt qu’avec les autochtones, en dépit de leurs savoirs plutôt que dans un dialogue, et propose une méthodologie fondée sur les socialités autochtones elles-mêmes.
L’enjeu, qui demeure, consiste en la reconnaissance des systèmes de savoirs autochtones, la protection de leur propriété intellectuelle et culturelle, le respect des droits des autochtones, leur participation effective à toutes les étapes de la recherche et la valorisation de leurs apports.
Au Canada et en Australie, les Premières Nations, Aborigènes et Insulaires du Détroit de Torres, en lien avec les principales institutions de recherche développent, formellement depuis les années 1980, des codes de conduite et des protocoles de recherche qui élaborent les principes pratiques d’une éthique de la collaboration et du respect mutuel.
Les Directives de l’Institut des Etudes Aborigènes et des Insulaires du Détroit de Torres (actuellement en cours de refonte), et le Protocole de recherche des Premières Nations du Québec et du Labrador, sont deux exemples parmi les plus aboutis et usités pour le développement d’une recherche anthropologique éthique en collaboration avec les autochtones.
Dans le cadre de SOGIP, les chercheurs élaborent leur projet de recherche en fonction des réalités de leur terrain, en poursuivant les objectifs éthiques inscrits dans les grands principes suivants :