The International Journal of Human Rights, Indigenous rights in southern Africa : international mechanisms and local Contexts, 15 (1), 2011.
Coordonné par Jennifer Hays et Megan Biesele.
Compte-rendu de lecture : Stéphanie Guyon
Ce numéro de the International Journal of Human Rights regroupe six articles (Nigel Crawhall ; Sidsel Saugestad ; Robert K. Hitchcock, Maria Sapignoli, Wayne A. Babchuk ; Renee Sylvain ; Rodney K. Hopson ; Jennifer Hays) issus des communications présentées lors d’un panel de l’American Anthropological Association à San Francisco en 2008. Il questionne la mise en pratique des mécanismes internationaux relatifs à la Déclaration des droits des peuples autochtones dans les communautés et contextes locaux de l’Afrique méridionale.
Les défis de la déclaration étant très différents d’un contexte à l’autre, ce recueil d’articles montre ce qu’une approche anthropologique fondée sur l’enquête de longue durée permettant d’appréhender les relations concrètes entre les groupes a à apporter au champ des droits de l’homme. Les articles présentés décrivent en particulier certains des défis posés par la mise en œuvre de la Déclaration des droits des peuples autochtones pour les San d’Afrique méridionale.
Outre leur démarche anthropologique, les auteurs montrent une attention commune au contexte particulier de cette zone. En effet dans les pays du Sud de l’Afrique, les approches en termes d’ethnicité sont nécessairement marquées par l’histoire de l’apartheid et les droits des peuples autochtones peuvent parfois être compris comme un plaidoyer pour un développement séparé et donc être soupçonnés de ségrégationnisme.
Les articles réunis ici permettent de montrer comment une approche nuancée de la complexité locale peut contribuer à la compréhension de l’impact et de l’utilité de la DDPA. Ils appréhendent pour cela la définition et l’interprétation du concept de droits autochtones à différentes échelles : les communautés, les organisations, les gouvernements. Ces interprétations des droits autochtones sont mises au regard d’interprétations d’autres droits de l’homme (droit à l’eau, droits des enfants, droits des femmes, droits linguistiques) qu’elles complètent parfois mais avec lesquelles elles peuvent aussi entrer en contradiction.
Pour mettre en œuvre cette démarche, les différents auteurs se fondent sur une définition ouverte, relationnelle et processuelle de la catégorie d’autochtone. Dans l’introduction, les coordinatrices reviennent sur le débat sur l’autochtonie en Afrique méridionale qui a joué un rôle important dans le débat global sur la définition des Peuples Autochtones. L’opposition à cette catégorie est en effet particulièrement vive dans l’anthropologie africaniste comme dans certains milieux gouvernementaux africains. L’autochtonie est en effet considérée par certains comme un simple substitut au terme de primitif ou encore comme un concept politiquement dangereux. Lorsque les gouvernements l’entendent comme la revendication de droits spécifiques voire de privilèges, le recours à une telle catégorie pourrait en effet se révéler contre-productive pour les groupes ainsi désignés. En analysant l’autochtonie comme une catégorie relationnelle et processuelle, les auteurs insistent ici sur les interrelations entre les groupes et sur le processus d’auto-identification plus que sur un éventuel contenu culturel qui serait assigné aux peuples autochtones. Ils accordent également une attention centrale à la question des relations entre groupes autochtones et Etat englobant.
Dans leur introduction, les coordinatrices du numéro se situent dans le débat sur l’utilité et les éventuelles contradictions du recours aux droits autochtones par rapport aux droits de l’homme. Sans nécessairement trancher l’ensemble de ces questions, elles montrent que l’on peut appréhender les droits autochtones non comme une revendication de droits spécifiques mais comme l’achèvement même des droits de l’homme, en permettant d’y inclure des populations qui en toujours été exclues. Ceci va dans le sens d’une appréhension large des droits de l’homme incluant les droits fonciers et les droits linguistiques et à l’éducation. Elles insistent également sur l’apport des peuples autochtones eux-mêmes à la définition de ces droits. Comme le montre Crawhall, les droits autochtones résultent en effet d’un long processus de négociation dans lequel les peuples autochtones ont été partie prenantes.
Les auteurs du numéro analysent ainsi les revendications en faveur de différents droits autochtones dans les pays du Sud de l’Afrique à travers l’action conjointe d’acteurs locaux, régionaux, transnationaux et les relations entre revendications autochtones et droits de l’homme. Les droits fonciers sont particulièrement développés dans ce numéro. L’exclusion de la terre est en effet centrale pour comprendre la condition moderne des peuples autochtones dans cette région. Saugestad, Hitchcock, Sapignoli et Babchuk explorent ainsi dans leur contribution la dynamique spécifique de la perte de la terre et des luttes pour la retrouver et le rôle des mécanismes internationaux et acteurs transnationaux dans ce processus. Hopson et Hays montrent comment les droits linguistiques et à l’éducation s’articulent aux autres dimensions du droit et sont déterminants pour atteindre l’autodétermination. Sylvain s’intéresse quant à elle aux femmes san qui font l’expérience d’une discrimination intersectionnelle. Elle montre ainsi comment la focalisation sur les droits collectifs peut desservir la capacité des femmes san à combattre les violences sexuées et les discriminations dont elles sont l’objet au sein de leur communauté. Elle met ainsi en évidence tout l’intérêt d’une démarche prenant en compte les différents rapports de domination qui structurent l’organisation sociale locale et les éventuelles contradictions entre différentes catégories de droit international.