Cette séance du séminaire vise à interroger les enjeux et les pratiques de la justice autochtone : justice pour, par ou avec les peuples autochtones. Si tout être humain demande justice et exige de l’institution judiciaire un traitement juste et équitable, quels sont les défis auxquels sont aujourd’hui confrontés les peuples autochtones en la matière ?
Dans quelle mesure les dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ont-elles contribué à modifier les pratiques de justice dans les Etats abritant des peuples autochtones ? Quelles modalités de mise en œuvre effective d’un pluralisme juridique peuvent être repérées ? Quelles articulations entre systèmes juridiques autochtones et institutions nationales ? La séance s’appuiera sur trois présentations qui permettront de faire un tour d’horizon de ces enjeux à partir d’exemples tirés d’Australie, du Pacifique, du Canada, d’Afrique et du Mexique
De 9h à 13h, EHESS, salle du Conseil A, bâtiment Le France, 190 avenue de France, 75013 Paris
Séance coordonnée par Irène Bellier, Directrice de Recherche au CNRS, IIAC-LAIOS, Verónica González González et Martin Préaud, postdoctorants SOGIP
Maria Teresa Sierra , Centre d’études et de recherches en anthropologie sociale, Mexique.
Martin Préaud , SOGIP, LIA TransOceanik, James Cook University.
Ghislain Otis , Université d’Ottawa, chaire de recherche du Canada sur la diversité juridique et les peuples autochtones.
Justices autochtones et Etat au Mexique : une réponse aux violences néo-libérales ?
Maria Teresa Sierra
Cette présentation mettra en évidence la force des justices autochtones au Mexique, face à un Etat exclusif qui prétendait réguler ce domaine. Je reprends pour ce faire les résultats d’une recherche collective qui permit de cartographier plusieurs formes de justice autochtone – officialisées ou en dehors de la loi – dans différentes régions du pays. Cela permettra de montrer les intentions de l’Etat pour adapter les systèmes de droit autochtone aux logiques de subordination (en ajoutant le pluralisme juridique) et la difficulté à faire face à ces systèmes de justice qui le défient de facto. Aujourd’hui, dans le cadre de la reconfiguration de l’Etat néo-libéral autour des politiques extractives et de la sécurité publique, les justices autochtones autonomes acquièrent une nouvelle pertinence en tant que moyens de résister aux intimidations sur les territoires et pour proposer des alternatives à la violence et à l’insécurité.
Cette situation soulève deux points d’importance que nous aimerions discuter lors du séminaire : quelle est la portée des justices autochtones à l’époque de la violence néo-libérale ? ; que révèlent-elles des formes d’actualisation de l’Etat et de la construction des autonomies.
’ Sorry means you don’t do it again’ : quelle justice pour les autochtones d’Australie en situation coloniale?
Martin Préaud
En Australie, les peuples autochtones représentent près d’un tiers de la population carcérale nationale pour 2.5 % de la population totale, situation qui perdure malgré les débats et mobilisations au niveau national comme international. Cette présentation interroge, à la lumière des évolutions juridiques et politiques australiennes, la possibilité pour les peuples autochtones d’obtenir une quelconque forme de justice dans un cadre colonial hostile à leurs intérêts fondamentaux et, plus largement, dans un cadre juridique international encore habité par la Doctrine de la Découverte.
Les traditions juridiques autochtones en matière de gestion des conflits ou de justice : quels fondements pour un pluralisme juridique décolonisé?
Ghislain Otis
Cette intervention présentera une synthèse de travaux empiriques réalisés au Canada, en Afrique et dans le Pacifique Sud en vue de dégager les aspects fondamentaux de certains systèmes juridiques autochtones en matière de gestion des conflits ou de justice. Cette recherche menée dans le cadre du partenariat international État et cultures juridiques autochtones : un droit en quête de légitimité, vise à identifier et à comprendre les valeurs, les principes, les normes, les processus et les acteurs par lesquels se manifestent aujourd’hui les systèmes autochtones. Grâce à une meilleure compréhension de l’univers juridique autochtone actuel, nous serons plus à même de dégager, dans la phase subséquente des travaux, les conditions et les voies possibles d’un dialogue avec le droit étatique en vue de fonder une gestion plus égalitaire et légitime du pluralisme juridique.
Irène Bellier, Directrice de Recherche au CNRS, IIAC-LAIOS, Verónica González González, postdoctorante SOGIP (IIAC-LAIOS) avec Martin Préaud, postdoctorant SOGIP (IIAC-LAIOS).
Ce séminaire s’appuie sur une recherche financée, de 2010 à 2015, par le Conseil européen de la recherche, dans le cadre du 7e programme cadre (FP7/2007-2013 Grant Agreement ERC n° 249236)
2e jeudi du mois de 9 h à 13 h (salle du Conseil A, R-1, bât. Le France, 190 av de France 75013 Paris), du 12 novembre 2015 au 10 mars 2016. La séance inaugurale eut lieu le lundi 12 octobre 2015, de 14h à 18h. Ouvert à tous.
Nous poursuivons en 2015-2016 le séminaire de l’équipe SOGIP (ERC 249 236, IIAC-LAIOS) qui, depuis quatre ans, examine les perspectives ouvertes par l’adoption en 2007 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA). L’objet du séminaire vise à relier la réflexion sur les questions autochtones aux processus globaux. Comment les acteurs politiques autochtones prennent-ils pied dans la gouvernance mondiale en regard des situations concrètes où les sociétés et cultures qu’ils représentent expérimentent des formes de changement accélérées, parfois volontaires, souvent forcées ? Les années précédentes, nous avons exploré de manière comparative, et à partir d’études de cas contextualisées, les questions de reconnaissance légale, de développement et de territorialité, d’éducation, de citoyenneté et de participation politique qui posent les sujets autochtones dans leurs relations à l’État et aux institutions internationales. Cette année, nous aborderons les enjeux de la patrimonialisation et de la propriété intellectuelle, les questions de genre et de justice, ainsi que le positionnement des peuples autochtones par rapport aux débats globaux, tels que ceux liés au changement climatique et aux objectifs du développement durable. Les analyses portées par une approche pluridisciplinaire montrent que les questions de droits de peuples autochtones ne portent pas seulement sur des enjeux spécifiques : elles définissent un horizon de réflexion sur les conditions de possibilités de se gouverner soi-même et sur les frontières de l’autonomie.
PROCHAINES SEANCES (en cours de confirmation)
14 avril : Jean Leclair, Professeur de droit, Université de Montréal
SEANCES PASSEES
Première séance EXCEPTIONNELLEMENT le lundi 12 octobre de 14-18h Salle du Conseil A
Séance coordonnée par Irène Bellier, Directrice de Recherche au CNRS, IIAC-LAIOS, et Verónica González González, postdoctorante SOGIP (IIAC-LAIOS)
Lors de cette séance, nous écouterons les points de vue de :
Mirna Cunningham, ancienne présidente de l’Instance permanente sur les questions autochtones, actuelle. Ambassadrice spéciale de la FAO pour la promotion de l’Année internationale de l’agriculture familiale (Intervention en anglais)
Birgit Muller, anthropologue au IIAC/LAIOS, spécialiste des questions agraires au Nicaragua qui mettra en perspective les enjeux légaux et conséquences sociales et écologiques de la construction du canal
Irène Bellier, anthropologue, IIAC/LAIOS-SOGIP, qui évoquera les perspectives contrastées de la « Déclaration conjointe des droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales » et de la « Déclaration des droits des peuples autochtones ».
Le 14 juin 2013, l’Assemblée Nationale du Nicaragua a approuvé avec la loi 840 une concession de cent ans sur la zone du futur canal interocéanique du Nicaragua visant à relier l’Océan Atlantique à l’Océan Pacifique, au profit d’un consortium chinois HKDN Nicaragua Canal Development. Sur une longueur de 285 km et une largeur de 20 km les lois environnementales, les acquis de la réforme agraire et les droits territoriaux des peuples autochtones ne s’appliquent plus. Peuples autochtones, et agriculteurs seront expropriés et le pays de facto divisé en deux. L’État s’est engagé dans la dite loi à protéger l’investisseur contre la population locale et à le compenser en cas de mobilisation ou d’émeutes qui pourraient retarder la réalisation du projet. Le canal suit un tracé traversant le lac Nicaragua (aussi connu comme lac Cocimbolca), qui devrait être creusé sur une profondeur de 30 m. Selon les experts de l’Académie des Sciences du Nicaragua, ceci provoquerait la mort écologique de la plus grande réserve d’eau douce de l’Amérique Centrale.
Sur le plan social, de 25 à 30 000 personnes, dont des paysans et des indiens Namas et Nahuas, devraient être déplacées. Considéré comme un moyen de "développer" le pays, ce projet soulève de nombreuses questions quand au processus de consultation des populations locales, paysannes et autochtones.
Dans cette séance nous proposons d’analyser les mobilisations des différentes catégories de citoyens nicaraguayens contre ce projet, désormais inscrit dans la constitution nicaraguayenne. Nous analyserons les effets de leurs mobilisations, qui se servent des institutions juridiques internationales comme la Cour interaméricaine des droits de l’homme, et s’inscrivent dans plusieurs registres, tels que la législation onusienne sur les droits des peuples autochtones, et le droit des paysans à leur terre. La séance sera l’opportunité de regarder non seulement les rapports multiples entre le droit national, le sentiment d’injustice chez les populations concernées par ce projet et les moyens légaux d’agir au niveau international. Nous analyserons les enjeux de l’inter-sectionalité des catégories de population et des identités impliquées dans les mobilisations contre ce projet, ainsi que les dynamiques entraînées par la cohabitation des droits des peuples autochtones avec d’autres registres, comme les droits des paysans.
De 9h à 13h, EHESS, salle du Conseil A, bâtiment Le France, 190 avenue de France, 75013 Paris
Séance coordonnée par Irène Bellier, Directrice de Recherche au CNRS, IIAC-LAIOS, et Verónica González González, postdoctorante SOGIP (IIAC-LAIOS)
Nadège Chell, doctorante, IIAC/LAIOS, Présidente de l’ONG RESO-Femmes International
Coro J-A Juanena, Professeure et coordinatrice du Centre d’études postcoloniales (KOIZ, Bilbao), Chercheure du Groupe d’Etudes Africaines de l’Université Autonome de Madrid (présentation en espagnol)
Anna Schmitt, doctorante IIAC/LAIOS
Cette séance aura comme objectif d’analyser les enjeux de subjectivation des femmes dans leur participation à la « gouvernance globale ». Particulièrement soutenue par l’ONU, la mobilisation des femmes provenant de toutes les régions du monde repose en général sur la création d’organisations qui, par l’articulation de plusieurs échelles et par la construction d’une identité, ont permis de créer « une voix » dont les femmes se servent pour dénoncer les discriminations et pour participer dans le champ politique international.
Les présentations des intervenantes permettront de creuser les problématiques créées par « l’intersectionnalité », ou le croisement de catégories et d’identités socio-politiques que les femmes contribuent à définir. Se trouvant au carrefour de mobilisations pour les droits universels des femmes et de mobilisations s’appuyant sur des subjectivités locales, les femmes africaines et les femmes autochtones sont face à des problématiques spécifiques dans le cadre de leur participation politique dans les espaces internationaux. Les présentations mettront en évidence la sensibilité du champ international pour répondre aux revendications de sujets appartenant à plusieurs identités vulnérables. Elles montreront aussi les limites du champ international pour assumer la complexité et la dynamique des rapports sociaux et politiques qui se trouvent derrière ces identités.
Les « leaders politiques intermédiaires et médiateurs » de RESO-Femmes International. Regard anthropologique et impliqué sur les projets relatifs à la participation politique et à l’autonomisation des femmes en Afrique
Nadège Chell
La présentation se centrera sur les processus de participation de leaders politiques féminins qui opèrent dans les formes diverses de la gouvernementalité néo-libérale tout en suivant des formes régionales. Les premières correspondent à un plan visant l’autonomisation des femmes, les secondes suscitent des résistances politiques aux modèles homogénéisant du genre, ainsi que des modes de subjectivation inédites. Elle montrera comment à partir d’un engagement dans l’ONG RESO-Femmes International, ont été identifiés des groupes politiques de leaders qui, dans le cadre d’une logique biopolitique du gouvernement de la vie, apportent des réponses concrètes aux réformes attendues par le dispositif onusien, liées en particulier au plan d’action planétaire. La communication comment l’organisation, dans son mode de fonctionnement et notamment par la réunion des « leaders intermédiaires et des médiateurs », par ses articulations en réseau et son rôle aux Nations unies, aide à construire des alternatives d’appartenance qui dépassent celle d’une communauté locale autochtone et territoriale : les femmes s’investissent de plus en plus dans les espaces transnationaux et utilisent le concept et les pratiques de l’empowerment (domaine de spécialisation de l’ONG). A partir d’une recherche doctorale, il s’agit de comprendre la façon dont les femmes leaders investissent les objectifs généraux et les normes en leur faveur et comment elles se démarquent des économies morales locales/globales en privilégiant l’autonomisation et l’innovation, et en se posant comme de « nouveaux » sujets critiques des limites posées à la reconnaissance des droits universels (« mouvement » spécifique africain).
Amama sare ou « la toile d’araignée » : des femmes qui tissent la résistance, du réseau des réseaux
Coro Jiménez Arellano
Le discours des femmes autochtones est imprégné de concepts et de métaphores sur l’art de la filature, une compétence partagée par des femmes autochtones de différentes cultures. La possibilité de créer un nouveau « vêtement », produit du travail collectif, est un outil métaphorique puissant qui explique l’interprétation du pouvoir que porte ce groupe social. Une interprétation très différente de celle que, jusqu’à maintenant, a été mobilisée par la société patriarcale occidentale. Le concept de la microphysique du pouvoir proposé par Michel Foucault est peut-être celui qui nous permet le mieux de comprendre les dynamiques de ce groupe social, avec qui nous avons travaillé aux Nations unies. Nous utiliserons ce concept, ainsi que d’autres apportés par la philosophie et la théorie sociale, pour comprendre les processus de construction identitaire et de participation collective des femmes autochtones à l’échelle internationale. Nous analyserons également leurs relations avec d’autres acteurs globaux opérant dans les instances internationales.
La défense des droits sexuels et reproductifs des femmes autochtones sur la scène onusienne
Anna Schmitt
La Colombie a adopté, en 1991, une nouvelle Constitution inscrivant d’une part, le caractère multiculturel de la nation et d’autre part, l’égalité des femmes et des hommes. Ce faisant, elle tend à produire un cloisonnement entre les catégories sociales qui défavorise substantiellement l’exercice de leurs droits par les citoyennes autochtones. Afin de remédier à ce hiatus législatif, une association locale de défense des droits humains des femmes autochtones a proposé, en 2012, de renforcer l’alliance entre les femmes autochtones du pays afin de réaliser un plaidoyer devant le Comité des Nations unies pour l’élimination des discriminations envers les femmes (CoEDEF). Durant cette action collective, les femmes autochtones s’efforcent d’élever leurs droits sexuels et reproductifs au rang de sujet d’intérêts communs dont le respect nécessite une intervention gouvernementale. L’intervention sera centrée sur l’enjeu de cette saisine et de ses effets d’une part, sur la construction d’un positionnement politique commun des femmes autochtones de Colombie, d’autre part, et sur la réception du contre rapport à celui de l’Etat colombien qu’ont réalisé les expertes du CoEDEF.
De 9h à 14h, EHESS, salle du Conseil A, bâtiment Le France, 190 avenue de France, 75013 Paris
Séance coordonnée par Irène Bellier, Directrice de Recherche au CNRS, IIAC-LAIOS, et Verónica González González, postdoctorante SOGIP (IIAC-LAIOS)
(par ordre alphabétique):
Joan Carling, Secrétaire Générale de l’Asian Indigenous Peoples Pact, membre expert au forum permanent des questions autochtones à l’ONU, membre de l’International Indigenous Peoples Forum for Climate Change (IIPFCC)/ Global Steering Commmittee (GSC), déléguée autochtone pour la COP 21 région autochtone d’Asie
Berlin Diques Jiribati, du people autochtone Ashaninka, délégué autochtone à la COP 21, région autochtone d’Amérique centrale, Amérique du sud et Caraïbes
Marishori Najashi Samaniego, du people autochtone Ashaninka, délégué autochtone à la COP 21, région autochtone d’Amérique centrale, Amérique du sud et Caraïbes
Jorge Fugararo, Coordinadora de las Organizaciones Indígenas de la Cuenca Amazónica (COICA), IIPFCC/ GSC, délégué autochtone à la COP 21, région autochtone d’Amérique centrale, Amérique du sud et Caraïbes
Tom BK Goldtooth, Indigenous Environmental Network, délégué autochtone à la COP 21, région autochtone d’Amérique du Nord ; membre actif du International Indigenous Peoples Forum for climate change (IIPFCC) depuis 1998
Rosalee Gonzalez, Co-coordinatrice du Réseau continental de femmes autochtones des Amériques, région du Nord, déléguée autochtone pour la COP 21
Paul Gorrie, SEED, délégué de la jeunesse autochtone pour la COP 21, region autochtone Pacifique
Pacifique Mukumba, Centre d’accompagnement des autochtones pygmées et minorités vulnérables, délégué
autochtone à la COP 21, région autochtone d’Afrique
Rodion Sulyandziga, Center for Support of Indigenous Peoples of the North ; délégué autochtone à la COP 21, région autochtone Europe centrale et orientale, Fédération de Russie, Asie centrale et Transcaucasie ; co- président du International IIPFCC/Global Steering Committee
Cathy Towtongie, President of Nunavut Tunngavik Incorporation, Inuit Circumpolar Council, délégué autochtone à la COP 21, région autochtone de l’Arctique
L’ONU a adopté en 1992 la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Cet instrument juridique non contraignant est surveillé par la Conférence des parties (COP selon son sigle en anglais), un organe où tous les Etats membres signataires sont représentés. La COP est aussi responsable de la prise des décisions pour la mise en œuvre du Protocole de Kyoto, l’instrument contraignant sur le changement climatique adopté en 1997. Basée à Bonn, elle se réunit annuellement pour évaluer les effets des mesures prises par les Etats et le progrès dans le domaine du changement climatique. Cette année la COP se réunit pour la 21ème fois, à Paris, ce qui donne au gouvernement français l’occasion de jouer un rôle majeur dans l’avancement des négociations.
Les peuples autochtones constituent l’un des groupes de la société civile qui participe très activement aux négociations sur le changement climatique. A cette fin, ils ont établi le Forum international des peuples autochtones sur les changements climatiques (International Indigenous Peoples Forum on Climate Change, IIPFCC), lequel permet aux ONG autochtones d’être observatrices de ce processus et de présenter leurs idées. Ce forum cherche à défendre les droits des peuples autochtones, l’un des secteurs de la population mondiale les plus touchés par le changement climatique. La participation des peuples autochtones dans les négociations sur le changement climatique leur permet de combattre la disparité épistémologique qui pèse sur les « savoirs traditionnels » qu’ils possèdent et qu’ils souhaitent voir reconnus par la communauté internationale en tant que contributions fondamentales pour l’atténuation des changements climatiques, pour la prévision du temps dans l’incertitude climatologique et pour l’adaptation aux phénomènes climatiques auxquels fait aujourd’hui face toute la planète. Les peuples autochtones sont particulièrement impliqués par les projets et actions entreprises pour modérer le changement climatique, tels que ceux consacrés à la conservation des forêts et le REDD + (Reduced Emissions from Deforestation and Forest Degradation).
Dans le cadre du séminaire Perspectives comparatives sur les droits des peuples autochtones, nous organisons à l’EHESS une table ronde qui permettra de connaître les points de vue experts de délégués autochtones participant à la COP 21. Originaires de l’une des 7 régions autochtones identifiées par l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones, parlant pour les secteurs représentatifs des questions autochtones, ces délégués présenteront les problématiques auxquelles leurs communautés font face dans le contexte du changement climatique, et de quelle manière le phénomène impacte la réalisation de leurs droits. Il sera l’occasion d’analyser les enjeux que portent les peuples autochtones dans les négociations de la COP 21.
De 9h à 13h, EHESS, salle du Conseil A, bâtiment Le France, 190 avenue de France, 75013 Paris
Séance coordonnée par Irène Bellier, Directrice de Recherche au CNRS, IIAC-LAIOS, et Verónica González González, postdoctorante SOGIP (IIAC-LAIOS)
Marie-Laure Guilland, doctorante IHEAL : Vers une nouvelle mise en ordre patrimoniale. La réappropriation autochtone des vestiges préhispaniques colombiens.
Stephan Disko, consultant IWGIA: Whose world? Whose heritage? World Heritage sites and indigenous peoples’ rights
Emmanuel Kasarhérou, Conservateur en chef du Patrimoine, adjoint au directeur du patrimoine et des collections du Musée du Quai Branly : Le Patrimoine kanak dispersé. Histoire d’une réappropriation culturelle
Vers une nouvelle mise en ordre patrimoniale. La réappropriation autochtone des vestiges préhispaniques colombiens.
Marie-Laure Guilland
Les populations autochtones de Colombie ont longtemps été exclues d’un dispositif patrimonial étatique né au début du 20èmesiècle. Elles formulent aujourd’hui de nouvelles revendications vis-à-vis de sites archéologiques préhispaniques situés en bordure ou à l’intérieur de leur territoire. Ces revendications remettent en cause le système normatif, les valeurs et les savoirs légitimant un ordre patrimonial qui semblait jusqu’alors immuable.
Afin d’analyser comment ces demandes ethniques viennent reconfigurer l’ordre patrimonial et les relations de pouvoir qu’il sous-tend, il nous faut observer la biographie sociale et culturelle (Appadurai et Kopytoff) de vestiges archéologiques au prisme des modèles nationaux qui se succèdent. Cela permet de comprendre comment le passage d’un modèle de nation métisse à une constitution multiculturelle et néolibérale en 1991 amène les leaders autochtones à entrer dans un « régime de justice » (Boltanski) où ils font valoir leurs droits et leurs principes de légitimité vis-à-vis du patrimoine et des territoires. Véritable enjeu de reconnaissance autochtone, ces situations de disputes patrimoniales sont ici examinées à partir d’une étude de terrain menée sur 3 sites archéologiques, Teyuna Ciudad Perdida, Tierradentro et San Agustín. Leur analyse permettra de comprendre quelles sont les conditions d’acceptabilité des revendications rendant possible la réappropriation autochtone des sites archéologiques.
Whose world? Whose heritage? World Heritage sites and indigenous peoples’ rights
Stephan Disko
A large number of the sites designated as World Heritage sites under UNESCO’s 1972 World Heritage Convention are fully or partially located within the traditional territories of indigenous peoples and are of great significance for their livelihoods and their spiritual, social and cultural well-being. World Heritage sites can play a positive role for indigenous peoples by helping them protect their lands and territories, cultures and heritage from development pressures. However, indigenous peoples have also repeatedly raised concerns about violations of their rights and a lack of regard for their cultural heritage, livelihoods and values in the implementation of the Convention. With the adoption of the UN Declaration on the Rights of Indigenous Peoples in 2007, there has been increasing attention on the need for improvements in the way the World Heritage Convention is being implemented, in order to ensure that the rights, values and interpretations of indigenous peoples are consistently respected in World Heritage sites. International human rights bodies and mechanisms such as the African Commission on Human and Peoples’ Rights and the three UN bodies with specific mandates regarding indigenous peoples (Permanent Forum, Expert Mechanism, and Special Rapporteur) have all repeatedly urged the World Heritage Committee to take corrective action. Key shortcomings include a lack of regulations and appropriate mechanisms to ensure the effective participation of indigenous peoples in Convention processes affecting them, an inappropriate differentiation between natural and cultural heritage in World Heritage sites incorporating indigenous peoples’ territories, and a highly problematic application of the concept of “outstanding universal value”.
Le Patrimoine kanak dispersé. Histoire d’une réappropriation culturelle
Emmanuel Kasarhérou
« Savoir où est quoi, ce qu’on en fait et ce qu’on en dit » comme le disait Jean-Marie Tjibaou, c’est tisser des liens nouveaux entre les lieux de conservation de ces objets et la culture qui les a fait naître. La redécouverte d’un patrimoine « oublié » nécessite en retour une reformulation du rapport de la société kanak contemporaine à sa propre histoire. La communication reviendra sur l’historique d’un travail mené en collaboration avec plusieurs personnes, depuis une trentaine d’année, dans un contexte politique d’émancipation pour, d’une part, établir en Nouvelle-Calédonie les outils de développement culturel adapté à la culture kanak et, d’autre part, redéfinir des liens avec les institutions culturelles extérieures au travers notamment de l’inventaire du patrimoine kanak dispersé dans les musées du monde. A l’heure actuelle 17 000 objets appartenant à la culture kanak sont recensés dans 110 musées internationaux.
Séance additionnelle : 21 janvier
190 avenue de France, 75013, Salle du Conseil A, R-1 de 9:30h à 13h
avec
Thomas Burelli, Université d’Ottawa, « Les peuples autochtones : sujets de recherche ou véritables partenaires dans les projets de bio-prospection ? Études de cas dans l’outremer français.»
David Dumoulin Kervran, Université Paris-Sorbonne nouvelle, IHEAL. « Ethnobiologie : une science des savoirs traditionnels ? »
De 9:30h à 13h, EHESS, salle du Conseil A, bâtiment Le France, 190 avenue de France, 75013 Paris
Séance coordonnée par Irène Bellier, Directrice de Recherche au CNRS, IIAC-LAIOS,
Photo : David Dumoulin,
Congrès d’ethnobiologie
San Cristobal de las Casas, Mexique 2014
Thomas Burelli , doctorant Université d’Ottawa, Chaire de Recherche du Canada sur la diversité juridique et les peuples autochtones : Les peuples autochtones : sujets de recherche ou véritables partenaires dans les projets de bio-prospection ? Études de cas dans l’outremer français
David Dumoulin Kervran , Maitre de conférences Université Paris 3 Sorbonne nouvelle, IHEAL : Ethnobiologie : une science des savoirs traditionnels ?
Les peuples autochtones : sujets de recherche ou véritables partenaires dans les projets de bio-prospection ? Études de cas dans l’outremer français.
Thomas Burelli
Les peuples autochtones ont de tout temps été des informateurs privilégiés des explorateurs et des scientifiques. Ils ont développé des connaissances et des pratiques en lien avec leur environnement qui ont permis d’identifier de nombreuses ressources d’intérêt, par exemple des ressources botaniques valorisées dans les domaines de la santé, de l’agronomie ou de l’alimentation. S’ils ont été perçus comme des informateurs de qualité, l’analyse des relations avec les chercheurs montre qu’ils ont rarement été considérés comme des partenaires. Ainsi l’accès et l’utilisation des savoirs traditionnels ont-ils donné lieu à de nombreux cas d’appropriations et d’usages abusifs. À partir de 1992, le droit international a progressivement reconnu des droits aux peuples autochtones sur leur patrimoine culturel immatériel. Néanmoins, des cas d’usages abusifs des savoirs traditionnels et des ressources associées peuvent encore être identifiés. Nous proposons dans cette présentation d’exposer différents projets de recherche ayant porté sur les savoirs traditionnels et les ressources associées dans l’outremer français. Nous analyserons la nature et les conditions des rapports entre les chercheurs et les peuples concernés au cours des différentes phases de la recherche. Nous analyserons également les droits des uns et des autres sur les savoirs et les résultats de la recherche. Nous réfléchirons à des stratégies et des outils contribuant à la mise en place de relations de collaboration équilibrées dans les projets de bio-prospection.
Ethnobiologie : une science des savoirs traditionnels ?
David Dumoulin Kervran
Les modes de connaissance « traditionnels » du monde gagnent aujourd’hui en légitimité face aux connaissances scientifiques, mais comment avoir accès à ces savoirs ?
S’agit-il de constituer une science de ces formes de science ? Une manière de repenser ce qu’est la science ? Cette présentation, basée sur une étude de cas de la trajectoire de la discipline au Mexique, voudrait lancer des pistes pour penser le statut épistémologique de l’ethnobiologie, cette discipline ancienne mais qui s’est reconstituée dans les années 1970’s et n’a connu une véritable institutionnalisation dans certains pays, du Nord comme du Sud, que dans les années 1990-2000.
L’économie politique de l’Afrique dans la mondialisation contemporaine : désintégration des sociétés rurales et accaparement des terres
De 10 h à 13 h : salle du Conseil A, R-1,
bât. Le France, 190 av de France 75013 Paris
Samir Amin, intellectuel engagé, diplômé en sciences politiques, en statistiques et professeur agrégé de sciences économiques, auteur de plus de 50 ouvrages, s’est fait connaître par sa théorie du développement inégal, différenciant les centres du capitalisme, maitres des systèmes de production, et les périphéries dominées, lieux d’extraction des matières premières et de surexploitation du travail. Après avoir étudié les formes précapitalistes des pays colonisés, réfléchi à un autre type de développement, théorisé sur l’alter-mondialisme, étudié les questions de classe, de nation, d’ethnie, de la paysannerie, sa conférence dans le cadre du séminaire SOGIP consacré aux droits des peuples autochtones permettra de lier les transformations contemporaines de l’Afrique, les problématiques de l’accaparement des terres et les enjeux globaux auxquels se confrontent les petites sociétés qui se retrouvent dans cette catégorie politique relationnelle de « peuples autochtones » laquelle permet leur reconnaissance internationale comme sujets de droit. La question de la terre, et de ses usages, ainsi que les nouveaux visages d’un capitalisme de prédation seront au cœur de la conférence ouverte à un large public