Projet de recherche

L’année 2008 constitua un tournant historique de la reconnaissance des droits des peuples autochtones au Chili. Cet Etat, qui était resté à la marge de la vague latino-américaine de reconnaissance constitutionnelle et légale des dernières avancées du droit international des peuples autochtones, ratifie la Convention 169 de l’OIT. Jusqu’alors, les politiques économiques néolibérales, encadrées constitutionnellement et développées au Chili depuis la dictature d’A. Pinochet s’accommodaient assez bien de la faible protection accordée aux droits fondamentaux par la Constitution chilienne ainsi qu’avec le régime juridique de protection précaire reconnu aux terres et ressources naturelles des « ethnies », communautés et personnes autochtones, établi par une loi de rang ordinaire votée au début de la transition chilienne à la démocratie (loi n°19.253).
L’incorporation de ce corpus juridique au sein de l’ordre juridique chilien, associée à la récente adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA) venait briser une tradition juridique et juridictionnelle chilienne, opposée à la reconnaissance des peuples autochtones comme sujets de droits, dotés de droits collectifs.
Les revendications territoriales autochtones du Chili, jadis orphelines de protection juridique, s’articulent aujourd’hui autours du droit à l’autodétermination et ses attributs.
Notre recherche se propose d’analyser les enjeux et les mécanismes de la mise en œuvre du droit à l’autodétermination des peuples autochtones au Chili, en tant que principe général (analyse du processus et contenu de la reconnaissance constitutionnelle des droits des peuples autochtones et du statut territorial spécifique relatif à Te Pito O Te Henua (souvent traduit par Nombril du Monde mais qui signifie strictement « nombril du sommet cosmique du triangle du territoire polynésien » (Carlos Hucke Atan) et mal nommé Rapa Nui ou île de Pâques) avant de se pencher sur deux attributs essentiels de son exercice : le territoire autochtone ainsi que les institutions et les systèmes juridiques autochtones.
Des entretiens seront réalisés auprès d’un ensemble représentatif d’acteurs concernés : institutions étatiques (des trois pouvoirs exécutif, législatif, juridique), acteurs intergouvernementaux, entreprises multinationales, avocats et personnes autochtones (politiques, professionnels, autorités traditionnelles, comuneros)
La recherche sera réalisée sur trois terrains bien distincts :
1) En Araucanie, selon sa conception territoriale historique correspondant aux actuelles VIIIème, IXème et Xème régions.
Trois questions seront principalement analysées
- La résolution des conflits territoriaux-environnementaux liés à l’installation de mégaprojets ou d’entreprises d’exploitation des ressources naturelles au sein des territoires actuels ou ancestraux mapuche : évaluation du respect du droit au consentement libre, préalable et informé et du processus de judiciarisation des conflits
- Le fonctionnement des institutions, des autorités et du droit propre mapuche et leur reconnaissance/respect par les institutions étatiques chiliennes : territoire lafkenche (mapuche de la côte), territoire huilliche (Pikun wili mapu)
- Partie de l’affiche Fvxa Xawun (grande réunion) du Gvbam Longko Pikunwijimapu : reconstruction territoriale, statut autonome mapuche, reconstitution institutions propres et revalorisation du droit propre mapuche.
- http://pikunwijimapu.blogspot.com
- Mise en œuvre du Plan Araucania et évolution de la politique de restitution des territoires « ancestraux mapuche », en considération des traités historiques réalisés entre la Couronne d’Espagne et Ragko Mapu.
2) Les territoires aymara et atacameño du nord du Chili : résolution des conflits territoriaux-environnementaux liés aux exploitations minières et géothermiques
- Affiche de rejet contre l’industrie extractive minière au sein des territoires autochtones du nord, des actuelles provinces d’Arica et Parinacota.
- http://consejoautonomoaymara.blogsp…
3) Te Pito O Te Henua, Rapanui (grande île)
- Statut juridique de l’île : territoire spécial, territoire autonome etc. ; portée juridique du traité international intitulé par les autorités chiliennes : « Accord des Volontés » de 1888.
- Statut juridique du peuple Maori Rapanui, de ses autorités et institutions propres.
- Régime juridique des terres et résolution des revendications territoriales des clans Maori Rapa Nui de Te Pito O Te Henua.