La structuration au niveau international d’une institution qui s’occupe des différentes questions auxquelles font face les peuples autochtones a permis de faire dialoguer en continu les expériences locales des peuples autochtones avec le système international. Ces dynamiques transnationales suscitent des questionnements sur la manière dont sont conçues les thématiques relatives aux peuples autochtones tant au niveau international que local.
Au Mexique, ces dynamiques transnationales ont entraîné – à partir des années quatre-vingt-dix – des changements importants dans les pratiques et les discours d’une vaste gamme d’acteurs impliqués dans les questions autochtones que ce soit l’Etat mexicain, le mouvement autochtone, les ONG qui travaillent avec les peuples autochtones ou encore les universitaires et experts dans ce domaine.
Dans le cadre du projet SOGIP, on veut analyser :
On accordera une attention spécifique au travail des acteurs intergouvernementaux pour la mise en œuvre des normes autochtones au Mexique. Les organisations intergouvernementales, qui possèdent une autorité et légitimité dans la communauté internationale, ont en effet été les principaux producteurs et diffuseurs de normes. Elles sont considérées comme des contributeurs centraux pour la mise en œuvre de la déclaration (articles 41 et 42 de la DDPA). Leur rôle est essentiel puisque le défi majeur est bien la mise en œuvre de ces normes.
On veut identifier les stratégies des organisations concernant cette mise en application de la déclaration : de quelle manière utilisent-elles dans cet objectif leur marge d’action ? Quelles thématiques promeuvent-elles ? En outre, nous nous intéressons à la réalité du travail de ces organisations et de ses effets au Mexique : comment leurs différentes activités – projets, recherches, relations entre gouvernement et organisations autochtones – se positionnent dans une configuration où les relations de pouvoir entre les peuples autochtones et la société dominante sont d’une importance fondamentale.
Observer l’action de ces acteurs permettra de donner suite a l’ensemble des thématiques contenues dans la Déclaration que ce soit le droit à la libre détermination, les droits territoriaux et aux ressources naturelles ; le droit à la participation politique; l’éducation et les droits culturels, le droit au développement.
Notre recherche se focalisera sur les états du Chiapas et d’Oaxaca. Néanmoins, nous nous intéresserons aussi aux discussions sur les droits autochtones dans les institutions nationales et, quand ce sera pertinent, nous analyserons des cas dans d’autres états.
Le territoire mexicain s’étend sur le Tropique du Cancer et l’hémisphère Nord du continent américain. Au nord, il fait frontière avec les Etats Unis et au sud avec le Guatemala et le Belize. A travers ces frontières, passent d’importants flux migratoires auxquels participent les populations autochtones du Mexique et de l’ensemble du continent qui cherchent à améliorer leurs conditions de vie, ce qui englobe leurs réalités économiques, territoriales et identitaires.
Dans ses presque deux millions de kilomètres carrés, le territoire de ce pays comprend des zones semi-désertiques et arides au nord ; des climats chaud-humides, sub-humides, des forêts tropicales et des zones marécageuses dans le sud; et des climats froids ou tempérés dans les régions hautes. Au total, il existe au Mexique douze types d’écosystèmes, ce qui en fait un pays à la biodiversité extrêmement riche. Ceci concerne particulièrement les territoires et terres autochtones, ce qui ouvre de nouvelles problématiques pour eux.
Le Mexique a une population totale de 112’336,538 d’habitants (INEGI, recensement 2010). Sur la base de ces données, la Commission Nationale de Population estime quela population autochtone pourrait atteindre les 14’172,483 en 2010, c’est-a-dire 12.6% de la population totale. Ces chiffres positionnent le Mexique, un pays dans lequel habitent environs 62 peuples autochtones, parmi les huit pays au monde qui hébergent le plus de peuples autochtones.
Les Etats Unis Mexicains, le nom officiel du pays, sont une république fédérale présidentialiste. Elle est constituée par 31 états libres et souverains et un district fédéral. Ces entités politiques se divisent en 2,438 municipes (l’équivalent d’une commune). Les peuples autochtones occupent un cinquième du territoire du pays. Ils habitent dans 29 des états et dans 2,032 municipes. Néanmoins, les peuples autochtonesn’ont pas de districts oude territoires propres. Il n’existe pas encore de législation qui garantit le droit à l’autonomie, reconnu dans la Constitution depuis 2001.
Au niveau fédéral, le pouvoir exécutif est aux mains du président ; le pouvoir législatif dans celles du Congrès de l’Union (et ses Chambres desDéputés et des Sénateurs), alors que le pouvoir judiciaire relève de la Magistrature, qui est formée par la Cour Suprême de Justice de la Nation, le Conseil de la Magistrature Fédérale et les tribunaux collégiaux, unitaires et de district.
Les trois pouvoirs sont aussi représentés au niveau des états et des municipes. Au niveau des états, le pouvoir exécutif est représenté par les gouverneurs des états ; le pouvoir législatif, par les congrès des états (unicaméraux) ; et le judiciaire par les tribunaux des états. Chaque état a un code civil et un code pénal propres, ainsi qu’un corps judiciaire. Au niveau municipal, le gouvernement est représenté par les mairies, dirigées par un présidentmunicipal, assisté par un groupe de conseillers municipaux et des syndics.
En ce qui concerne la législation des droits autochtones, c’est le pouvoir législatif national et les congrès des états qui en détiennent la compétence. Néanmoins, les obligations signalées par l’article 2 de la Constitution mexicaine – l’un des articles qui aborde les droits autochtones – comprennent les trois niveaux de la fédération (article 2, alinéas B, paragraphe B).
D’après l’article 133 de la Constitution politique des Etats Unis Mexicains, les lois internationales approuvées par le présidentet ratifiées par le Sénat sont considérées comme partie intégrante de l’ordre juridique mexicain, à condition qu’elles ne contredisent pas la Constitution et qu’elles soient adoptées par les pouvoirs de la république. Les lois internationales qui satisfont ces conditions prévalent sur les lois fédérales, étatiques et municipales.
En ce qui concerne les instruments internationaux sur les droits des peuples autochtones, il n’existe pas de contradiction entre la Convention 169 et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et le texte constitutionnel. En fait, ces textes ont constitué une référence fondamentale dans la législation nationale en matière autochtone. La Convention 169 de l’OIT, par exemple, a été une référence pour les réformes constitutionnelles sur les droits des peuples autochtones de 1992 et 2001 ainsi que pour l’élaboration des lois autochtones au niveau des états. Néanmoins, ces textes ne sont pas devenus du droit positif dans leur intégralité. L’un des obstacles pour la mise en œuvre des instruments juridiques internationaux est précisément le manque de lois dans plusieurs domaines auxquels ces textes font référence.
D’après l’Indice de Développement Humain, élaboré par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le Mexique a un niveau de Développement Humain élevé. Néanmoins, le Mexique est considéré, d’après le Coefficient Gini, un instrument statistique créé pour mesurer les inégalités de distribution des revenus, comme l’un des pays les plus inégaux au monde. Ceci a d’importantes répercussions pour les citoyens autochtones du Mexique, qui sont surreprésentés dans les statistiques comme la partie de la population la moins favorisée.
D’après la Comission nationale pour le Developpement des Peuples Autochtones, 33.9% des municipes autochtones (c’est-à-dire celles dont 40% et plus de la population est autochtone) sont « très défavorisées » et 46.5% d’entre elles sont « dévarorisées ». En ce qui concerne leur participation dans l’économie nationale, 56.8% de la population autochtone active occupée travaille dans le secteur primaire ; 30.7 % ne perçoit pas des revenus pour son travail et 22.2% atteint de 1 a 2 salaires minimum.
Selon les chiffres du Rapport sur le développement humain des Peuples Autochtones au Mexique, dans ce pays, être autochtone multiplie par 3,3 les probabilités de vivre dans la pauvreté. Plus de 71% de la population autochtone vit en “pauvreté multidimensionnelle” et a un accès limité à des services tels que l’eau, l’électricité et le gaz.
En ce qui concerne les conditions de santé de ces peuples, le rapport du PNUD signale que 72 % d’entre eux ne sont pas bénéficiaires des institutions fédérales de santé. D’après le rapport Peuples autochtones, pauvreté et développement en Amérique latine : 1994-2004, élaboré par la Banque mondiale, ceci a une répercussion sur l’espérance de vie des personnes autochtones. En fait, on estime que ces personnes ont une espérance de vie de quatre à six ans à celle du reste de la population Mexicaine. Les taux de mortalité de la population autochtone est de 30% supérieures à celui de la population globale et leur taux de mortalité infantile - 54 morts pour mille naissances - est le double de celui des non-autochtones.
Au Mexique, l’écart entre les droits des peuples autochtones et les non autochtones touche aussi le domaine de l’éducation. D’après l’UNESCO, les femmes autochtones du Mexique ont 15 fois plus de probabilités de ne pas savoir lire et écrire par rapport aux femmes qui parlent exclusivement l’espagnol. Les taux d’abandon et de retard scolaire reflètent aussi ces problèmes d’accès des peuples autochtones au système scolaire. D’après l’Institut National d’Évaluation de l’Éducation et l’Institut de la Jeunesse de la Ville de Mexico, le nombre d’enfants autochtones entre 6 et 14 ans en retard scolaire atteint 1,3 million.
Le Mexique est membre de plusieurs instances intergouvernementales. Au niveau mondial, il fait partie de l’Organisation des Nations Unies et des institutions issues de Bretton Woods (la Banque Mondiale, le Fonds monétaire international et la Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement), de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et de l’Organisation pour la Coopération et le Développement économique (OCDE).
Au niveau régional, il est membre de l’Organisation des Etats Américains (OEA) et fait partie de la zone de libres échanges économiques avec les Etats Unis d’Amérique et le Canada, l’Accord de Libre Echange Nord-Américain (ALENA). Enfin il appartient à l’organisation intergouvernementale de coopération entre l’Asie et la Pacifique, la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC).
Le Mexique a aussi participé aux négociations internationales sur plusieurs thématiques relatives aux peuples autochtones, dans lesquelles il a eu un rôle très proactif. Il a notamment été un acteur central des négociations en faveur de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. C’est pour cela que le mouvement autochtone international l’a reconnu comme un « pays amis », ce qui représente un véritable défi quant à la capacité des institutions nationales à mettre en place les normes auxquelles le pays a souscrit au niveau des instances internationales. Pour le moment, ces normes ont fait l’objet d’un lent processus de mise en œuvre, ce qui laisse en suspens les revendications les plus urgentes des peuples autochtones mexicains.
Plusieurs organisations autochtones mexicaines se sont jointes au mouvement autochtone international et au large réseau de lutte pour les droits des peuples autochtones, sur différentes scènes à l’ONU et à l’OEA. Bien que la participation des organisations autochtones mexicaines à ces forum ait été proportionnellement inférieure à celle d’organisations autochtones originaires d’autres pays latino-américains, elles prennent activement part au “caucus autochtone global” et à sa composante latino-américaine, en particulier. Quelques organisations autochtones mexicaines ont un rôle actif dans le cadre des organisations autochtones internationales, tel que l’Indigenous Indian Treaty Council (IITC), et d’autres ont une présence transnationale, tel que l’Organisation des femmes autochtones d’Amérique centrale, même si la plupart des organisations mexicaines ont une activité nationale ou locale (consulter la liste non exhaustive d’organisations autochtones mexicaines).
Les organisations autochtones mexicaines ont eu un rôle important dans l’organisation d’événements parallèles dans plusieurs sommets internationaux tenus au Mexique, tels que le Sommet de l’OMC à Cancun (2003) et la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (2010).
Bien que toutes les organisations n’aient pas participé à ces forums multilatéraux, il y a des dialogues continus entre plusieurs organisations autochtones mexicaines et celles d’autres pays.
Quatre familles linguistiques autochtones partagent le territoire mexicain avec celui d’un autre pays. Dans la frontière sud du Mexique, le territoire Chuj, de la famille linguistique maya, appartient au Mexique et au Guatemala. La famille linguistique yuto-aztèque s’étend aussi au dèlá de la frontière sud du pays et est présente au Salvador. Dans la frontière nord, les peuples Cucapá et Pápago occupent des territoires au Mexique et aux Etats Unis.
Dans le contexte d’une importante migration aux Etats Unis, plusieurs organisations autochtones transnationales ont été formées. D’après l’Atlas Sociolinguistique des peuples autochtones d’Amérique latine (UNICEF), le flux d’autochtones Mexicains et Guatémaltèques aux Etats Unis fluctuent entre 500 milles et un million de personnes.
Bien que ces organisations aient été formées dans la logique de faciliter l’insertion des migrants dans les sociétés d’accueil tout en conservant le contact avec leurs sociétés d’origine, quelques unes d’entre elles ont un agenda précis sur les droits des peuples autochtones.
Le phénomène migratoire a aussi entraîné la présence de peuples autochtones d’autres pays d’Amérique latine sur le sol mexicain, parmi lesquels on peut trouver des groupes Quechuas équatoriens installés dans la Ville de Mexico. Ces groupes font face à des problématiques complexes liées à leur condition d’autochtones et de migrants.
En 1992, le Mexique a reconnu, pour la première fois dans sa Constitution, « la composition pluriculturelle [de la Nation] basée originalement sur ses peuples autochtones » (article 4°). Plus tard, en 2001, la Loi Autochtone a été promulguée, réformant plusieurs articles constitutionnels. Grâce à cette réforme, on a élargi le contenu de l’article 4°, qui fait maintenant partie de l’article 2. Cet article s’appuie sur les critères établis dans la Convention 169 de l’OIT pour l’identification des peuples autochtones, ainsi que sur le critère de l’auto-identification comme autochtone. Aussi, dans cet article, l’Etat mexicain définit les “communautés autochtones” comme des « communautés appartenant à un peuple autochtone implanté sur un territoire, qui se reconnaissent comme étant une unité sociale, économique et culturelle, soumises aux mêmes autorités reconnues comme telles sur la base de leurs usages et coutumes ». La Loi autochtone implique donc la reconnaissance des peuples autochtones comme sujets de droits, mais cela n’implique pas leur reconnaissance en tant que sujets collectifs.
En outre, cette réforme interdit “ les formes de discrimination émanant de situations dues à l’origine ethnique ou nationale de l’individu” (art 1) et autorise la coordination et association des communautés autochtones à l’intérieur du municipe (art 115). Cette loi ajoute, dans ses articles transitoires que, pour l’établissement des “districts électoraux uninominaux on devra prendre en considération, quand ce sera possible, l’emplacement des peuples et communautés autochtones, afin de promouvoir leur participation politique” et de favoriser la traduction dans les « langues des peuples autochtones du pays […] et la diffusion dans leurs communautés”.
Le Mexique est signataire de tous les documents qui font partis du cadre normatif autochtone au niveau international dont la Convention 169 de l’OIT et la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, un instrument que ce pays a promu et soutenu de manière active pendant les négociations du document. En plus, il a signé la Convention sur la Diversité Biologique et l’Agenda 21 (1992), ainsi que les instruments de l’UNESCO sur la diversité culturelle. Le Mexique a aussi ratifié tous les instruments des Droits de l’Homme élaborés par l’ONU, y compris ceux qui contiennent des normes pertinentes en matière autochtone, tels que le Pacte international de Droits Economiques, Sociaux et Culturels et le Pacte international de droits civils et politiques, la Convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discriminations raciales, la Convention de l’enfant, la Déclaration et la plateforme d’action de Pekin). De plus, le Mexique reconnait la juridiction de la Court Interaméricaine de Droits Humains, une instance qui a été particulièrement proactive dans ce domaine et qui a produit une jurisprudence importante dans ce domaine.
Ces instruments et mécanismes ont été utiles pour soutenir les revendications relatives aux droits autochtones. Ils ont donné beaucoup de visibilité aux problématiques auxquelles ces peuples font face et ont mis un cadre pour élaborer des politiques et des programmes d’action. Néanmoins, la mise en œuvre de ces normes a été limitée dans sa portée et s’est fait de manière peu harmonisée.
A partir de 1987, les états du Mexique ont entrepris des réformes de leurs cadres juridiques pour reconnaître les droits des peuples autochtones. Ce processus a été accéléré par la Loi Autochtone de 2001, qui laissait aux états la réglementation spécifique des droits autochtones reconnus dans la constitution. Aujourd’hui, 24 des 32 entités fédérales au Mexique reconnaissent l’existence d’habitants autochtones sur leurs sols et ont quelques dispositions pour eux (seulement l’Aguascalientes, Baja California Sur, DF, Nuevo León, Tabasco, Tlaxcala, Yucatán et Zacatecas n’ont pas de loi en la matière).
Bien qu’il y ait eu des avancements en ce qui concerne la reconnaissance des droits des peuples autochtones dans les lois des états, aucun des états n’a réussi à traduire l’intégralité des droits reconnus dans la constitution ni dans les normes internationales souscrites par l’Etat. En outre, il y a encore des défis importants en ce qui concerne les inégalités de contenu et la portée des différentes constitutions des états.
Le Congreso Nacional Indígena (CNI) est l’organisation qui, au niveau national, rassemble la plupart d’organisations de base de plusieurs états de la République. On parle de plusieurs cents d’organisations autochtones provenant de l’ensemble du territoire national. Dans cette organisation participent des autorités traditionnelles et des leaders communautaires divisés en plusieurs plateformes correspondant des différentes régions autochtones du pays.
Le CNI a été fondé en 1996, en tant qu’un espace de rencontre, discussion et réflexion qui, de manière décentralisée, devrait aider à mettre en communication les différentes réalités autochtones du pays. L’objectif était celui d’atteindre des consensus regardant les actions du mouvement autochtone au niveau national. Son rôle a été décisif dans les négociations des Accords de San Andrés avec le gouvernement en 1995. Il est toujours une référence importante pour les bases du mouvement autochtone.
Jusqu’à maintenant, la participation des peuples autochtones dans les institutions de gouvernement a été faible et, bien qu’on ait débattu de l’élaboration de mécanismes pour compenser ce déficit, les dispositifs créés ne sont pas en mesure d’assurer dans ses institutions une représentation fidèle de la composante autochtone de la nation et restent des exceptions n’engageant qu’un nombre restreint d’institutions.
Parmi ces efforts, on peut citer le cas du pouvoir législatif. En 2004, l’Institut Fédéral Electoral a approuvé un processus de redécoupage électoral du territoire national. 28 districts autochtones (sur un total de 300 districts uninominaux) dont la population est formée par 40% ou plus de personnes autochtones ont ainsi été délimités à l’issue de ce processus. L’objectif était de garantir l’élection de 28 députés autochtones dans la Chambre des députés. Néanmoins, dans les deux dernières législatures, respectivement 9 et 10 députés autochtones seulement ont été élus et dans la dernière législature, seuls 7 des 10 députés autochtones l’ont été dans des districts autochtones.
Le Conseil consultatif de la Commission nationale pour le Développement autochtone (CDI, par ses initiales en espagnol) en est un autre exemple. Il compte 140 conseillers autochtones et 58 autres acteurs provenant d’universités, d’ONG et d’institutions gouvernementales et a comme objectif d’analyser, de discuter et de faire des propositions concernant les politiques, programmes et actions publiques pour le développement des peuples autochtones.
Au Mexique, les droits des peuples autochtones à la terre, aux territoires et aux ressources naturelles se trouvent dans plusieurs instruments juridiques : notamment dans la Constitution nationale (art 2 y 27), la Loi agraire (1992), la Loi forestière (1992) et la Loi générale d’équilibre écologique et de protection de l’environnement (1988). Bien que ces législations reconnaissent des droits spécifiques pour les peuples autochtones, elles présentent des limites importantes qui empêchent l’exercice des droits internationaux reconnus aux autochtones. En effet, elles n’adhèrent pas à toutes les normes internationales existant dans ce domaine. En plus, certains aspects des droits reconnus dans ces instruments auraient besoin d’une actualisation, ce qui n’a pas toujours été fait et laisse donc des lacunes législatives, empêchant la mise en œuvre des droits reconnus.
La Constitution mexicaine reconnaît, dans son article 2, le droit des peuples autochtones à l’auto-détermination et à l’autonomie. Elle reconnaît aussi leur droit à « avoir accès, de façon préférentielle et en conformité aux formes et modalités relatives aux droits de propriété et de détention des terres, à l’utilisation et à la jouissance des ressources naturelles existantes dans les lieux où de telles communautés se sont établies », à l’exception des « zones classées stratégiques selon les termes établis par cette Constitution ». Néanmoins, il y aurait besoin d’une loi secondaire qui délimite bien la portée et les limitations de ces droits.
L’article 27 de la Constitution, 7ème alinéas, établit plusieurs dispositions en faveur des peuples autochtones et des populations habitant un ejido ou une terre communale, entités territoriales et administratives de la loi mexicaine, dans lesquelles les peuples autochtones ont une large représentation. Le 2ème paragraphe de cet alinéa établit la protection intégrale des terres des « groupes autochtones ». En plus, il reconnaît la personnalité juridique « des populations établies au sein des terres à destination rurale et organisées sous forme de propriété communale » et les droits de propriété des peuples autochtones qui émanent des biens qu’elles détiennent, ce qui comprendra l’utilisation de l’espace comme la réalisation des activités de production. Il établit aussi que « les pratiques traditionnelles, existantes à l’intérieur de telles communautés et des ejidos détermineront les modalités d’utilisation des terres, eaux et forêts à caractère communal. Ce sera donc sur la reconnaissance de telles ou telles pratiques que la législation devra pourvoir, autant à l’amélioration des conditions relatives à l’aménagement du territoire qu’à l’exploitation adéquate de telles ou telles ressources ».
La loi agraire (1992)
L’article 106 de cette loi prescrit que « les terres correspondant aux groupes autochtones devront être protégées par les autorités », dans les termes établis par la Constitution. En plus, il stipule que « dans les procédures dans lesquelles seront impliquées des terres des groupes autochtones, les tribunaux devront considérer les us et coutumes de chaque groupe, si toutefois ils ne contreviennent pas à ce qui a été établi par cette loi et n’affectent pas les droits de tiers. De même, quand il sera nécessaire, le tribunal s’assurera que les autochtones aient des traducteurs ».
D’autres dispositions sur ces questions se trouvent dans la Loi générale d’équilibre écologique et de protection de l’environnement (réformée en 1996) et la Loi Forestière (1997). Ces deux lois contiennent des dispositions pour ces peuples puisqu’elles prennent comme base la Convention 169 de l’OIT et la Convention sur la diversité biologique.
La loi générale d’équilibre écologique et de protection de l’environnement (1988) et la loi forestière (1997)
Ces lois prennent en compte certaines dispositions de la Convention 169 de l’OIT et de la Convention sur la Diversité biologique. A grands traits, les deux cherchent à « protéger […] les zones d’importance pour […] les peuples autochtones », et réaffirment le droit à la priorité des peuples autochtones pour l’usage de ces territoires et leur participation dans la déclaration, « établissement, administration et gestion des zones protégées » et la formulation, exécution et veille des programmes de restauration écologique en cas de désertification ou dégradation et des programmes de sauvegarde et de conservation de la biodiversité. En ce qui concerne son administration et gestion, le ministère pourra souscrire avec ceux qui sont intéressés des arrangements de concertation ou de coordination.
De même, les deux lois considèrent nécessaire de prendre en compte les savoirs biologiques traditionnels mises en œuvre dans ces activités dans le cadre de la promotion du développement durable et prennent en compte les organisations propres de ces peuples, des ejidos et des biens communaux. En particulier, la Loi forestière établit qu’il aura comme but prioritaire de promouvoir ces formes d’organisation pour son “amélioration sociale et économique”, en ayant comme cadre de référence la conservation et l’exploitation durable des ressources forestières. Pour ce faire, on considère nécessaire le “consentement des localités agraires à travers des accords d’assemblée qui l’autorisent” pour les activités que des tiers veulent faire en matière forestière.
Aujourd’hui, il existe de nombreux conflits au niveau national concernant des territoires autochtones et les ressources naturelles qui s’y trouvent. Ces conflits comprennent des projets de développement, des barrages (Paso de la Reina, en Oaxaca et Presa de la Parota, en Guerrero), des concessions minières (Wirikuta en San Luis Potosí et Chicomuselo en Chiapas), la construction d’aéroports (état de Mexico) et d’autoroutes (l’autoroute trans-istmique en Oaxaca) et des projets éoliques (Oaxaca) et le confinement de déchets toxiques (Hidalgo). Face à ça, les peuples autochtones ont essayé d’utiliser le droit à la consultation qui leur est reconnu dans la Convention 169 de l’OIT, mais pour l’instant l’impact de cette réglementation est bien en deçà de ce que les organisations autochtones souhaiteraient.
Les 68 langues autochtones les plus parlées au Mexique peuvent être classées dans 11 grandes familles linguistiques. D’après la Commission nationale de Droits de l’Homme, il y a en outre plus de 364 variantes de ces langues. Elles sont importantes non seulement parce qu’elles constituent un élément central de la diversité culturelle nationale, mais aussi parce qu’elles ont, pendant longtemps, constitué l’un des critères principaux pour identifier les personnes appartenant à un peuple autochtone.
Ces langues sont reconnues, avec l’espagnol, comme “langues nationales” en raison de “leur origine historique, et ont la même validité [que l’espagnol] dans les territoires, localisation et contexte dans lequel elles sont parlées” (Loi générale de droits linguistiques des peuples autochtones de 2003, article 4°).
En 2004 on a créé l’Institut national de langues autochtones (INALI), qui est en charge de “Promouvoir le renforcement, la préservation et le développement des langues autochtones parlées dans le territoire national" (d’après les Objectifs fixés par cette institution).
FAMILLE | LANGUE | LIEU | NOMBRE DE PERSONNES QUI LE PARLENT |
---|---|---|---|
Álgica | Kikapù | Coahuila | 157 |
Yuto-nahua | Papago | Sonora | 116 |
"" "" | Pima | Sonora | 738 |
"" "" | Tepehuano du nord | Chihuahua | 6,809 |
"" "" | Tepehuano du sud | Durango | 24,782 |
"" "" | Tarahumara | Chihuahua | 75,371 |
"" "" | Guarijio | Chihuahua | 1,648 |
"" "" | Yaqui | Sonora | 14,162 |
"" "" | Mayo | Sinaloa et Sonora | 32,702 |
"" "" | Cora | Nayarit | 17,086 |
"" "" | Huichol | Jalisco et Nayarit | 35,724 |
"" "" | Náhuatl | District Fédéral, Guerrero, Hidalgo, état de Mexico, Morelos, San Luis Potosí, Puebla et Veracruz | 1’376,026 |
Cochimí-yumana | Paipai (akwa’ala) | Basse Californie | Données non disponibles |
"" "" | Ku’ahl | 200 | |
"" "" | Cucapà | Basse Californie | 116 |
"" "" | Kumiai | Basse Californie | 264 |
"" "" | Kiliwa | Basse Californie | 36 |
Seri | Seri | Sonora | 595 |
Oto-mangue | Otomí | Etat de Mexico et Michoacán | 239,850 |
"" "" | Mazahua | Etat de Mexico et Michoacán | 111,840 |
"" "" | Matlatzinca | Etat de Mexico | 1,134 |
"" "" | Tlahuica | Etat de Mexico | 842 |
"" "" | Pame | San Luis Potosí et Querétaro | 9,720 |
"" "" | Chichimeco Jonaz | Guanajuato | 1,625 |
"" "" | Chinanteco | Oaxaca | 18.059 |
"" "" | Tlapaneco | Guerrero | 98,573 |
"" "" | Mazateco | Oaxaca | 206,559 |
"" "" | Ixcateco | Oaxaca | 213 |
"" "" | Chocholteco (chocho) | Oaxaca | 616 |
"" "" | Popoloca | Veracruz | 16,163 |
"" "" | Zapoteco | Oaxaca | 410,901 |
"" "" | Chatino | Oaxaca | 42,791 |
"" "" | Amuzgo | Guerrero et Oaxaca | 43,761 |
"" "" | Mixteco | Guerrero, Oaxaca et Puebla | 423,216 |
Cuicateco | Oaxaca | 12610 | |
Triqui | Oaxaca | 23846 | |
Maya | Huasteco | San Luis Potosí | 149,532 |
"" "" | Maya | Campeche, Quintana Roo et Yucatán | 759,000 |
"" "" | Lacandon | Chiapas | 44 |
"" "" | Chol | Chiapas et Tabasco | 185,299 |
"" "" | Chontal de tabasco | Tabasco | 32,470 |
"" "" | Tzeltal | Chiapas | 371,730 |
"" "" | Tzotzil | Chiapas | 329,937 |
"" "" | Kanjobal | Chiapas | 8526 |
"" "" | Akateko | Chiapas | 532 |
"" "" | Jakalteco (poptì) | Chiapas | 400 |
"" "" | Qato’k | Chiapas | 110 |
"" "" | Chuj | Chiapas | 2,180 |
"" "" | Tojolabal | Chiapas | 43,169 |
"" "" | Q’eqchi’ | Chiapas | 1,070 |
"" "" | Quiche | Chiapas | 251 |
"" "" | Cakchiquel | Chiapas | 154 |
"" "" | Teko | Chiapas | 210 |
"" "" | Mame | Chiapas | 7,492 |
"" "" | Awakateko | Chiapas et Veracruz | 21 |
"" "" | Ixil | Chiapas | 77 |
Totonaco-tepehua | Totonaco | Puebla et Veracruz | 230,930 |
"" "" | Tepehua | Veracruz | 8321 |
Tarasca | Tarasco (purépecha) | Michoacán | 105,556 |
Mixe-zoque | Mixe | Oaxaca | 115,824 |
"" "" | Sayulteco | Chiapas | 2,583 |
"" "" | Oluteco | Oaxaca | 63 |
"" "" | Texistepequeño (Popoluca de Texistepec) | Veracruz | 238 |
"" "" | Ayapaneco | Tabasco | 4 |
"" "" | Popoluca de la Sierra | Veracruz | 28,194 |
"" "" | Zoque | Chiapas | 54,004 |
Chontal de Oaxaca | Chontal de Oaxaca | Oaxaca | 3,413 |
Huave | Huave | Oaxaca | 15,993 |
TOTAL: | 6’011,202 / 6.65% |
La Constitution (article 2°), la Loi Générale des Droits Linguistiques des Peuples Autochtones et la Loi Générale d’éducation constituent le cadre normatif pour l’accès des peuples autochtones à une éducation interculturelle. Les trois instruments reconnaissent le droit de ces peuples à l’éducation obligatoire bilingue et interculturelle, en encourageant “l’interculturalidad, le multilinguisme et le respect de la diversité et des droits linguistiques” (art 11 de la Loi Générale des Droits Linguistiques des Peuples Autochtones).
Au Mexique, les principaux organismes publics qui travaillent dans le domaine des langues autochtones sont la Direction Générale d’Education Autochtone et la Coordination Générale d’Education Interculturelle et Bilingue, qui sont en charge de gérer l’éducation obligatoire autochtone. L’Institut National pour l’Education des Adultes gère aussi des programmes d’éducation autochtone monolingue et bilingue.
Le manque d’offre d’éducation bilingue et interculturelle après l’éducation obligatoire qui correspond au Mexique au niveau élémentaire et secondaire (collège) constitue le principal obstacle auxquels fait face l’éducation publique pour les peuples autochtones. Peu de lycées et d’universités offrent ce type de formation. Aujourd’hui, dans le Réseau d’universités interculturelles de la Coordination Générale d’Education Interculturelle et Bilingue, on en trouve 9. D’autres universités ou instituts offrent des programmes de niveau supérieur, mais ils sont peu nombreux. Ainsi, la population qui veut continuer ses études doit sortir de sa communauté ou étudier dans un programme non interculturel ou bilingue.
Une autre limite importante du système concerne la formation des instructeurs, puisqu’au Mexique, il n’existe pas de système de formation d’enseignants autochtones et les personnes qui souhaitent le devenir, doivent faire face à d’importants obstacles linguistiques et pédagogiques.
La participation des communautés autochtones au processus éducatif est également problématique. En accord à la législation nationale, l’éducation bilingue interculturelle envisage l’incorporation au programme scolaire de contenus spécifiques aux groupes autochtones. Néanmoins, cette condition n’a pas pu être garantie et il n’y a pas de participation effective des peuples autochtones à ce processus