L’appropriation des normes de droit énoncées dans la Déclaration / UNDRIP met en cause les principes républicains qui constituent la matrice de la constitution française (unicité du peuple et du territoire, le français comme langue exclusive de la nation) et qui font l’objet d’aménagements limités dans les départements français d’Amérique (voir Données générales). Les institutions républicaines contrarient le principe de reconnaissance de droits culturels, territoriaux et politiques spécifiques des peuples autochtones énoncé dans l’UNDRIP. En particulier, les institutions françaises apparaissent contraires à deux objectifs fondamentaux contenus dans la Déclaration et qui sont revendiqués par les organisations autochtones locales : la reconnaissance de droits fonciers collectifs et la reconnaissance des institutions autochtones et, en premier lieu, les chefs coutumiers.
Au début de la départementalisation, de 1946 au milieu des années 1960, les dispositifs administratifs concernant les Amérindiens s’inscrivaient dans un paradigme de la conservation favorisant une prise en charge spécifique, assurée par le Service des Populations Primitives ensuite dénommé Service des populations africaines et indiennes. Depuis les années 1970 et la politique de francisation, les aspirations des Amérindiens au développement et aux progrès social ont été prises en compte dans des dispositifs assimilationnistes les incluant dans une prise en charge indifférenciée des populations de Guyane que ce soit à travers l’inscription à l’état civil et l’imposition de la filiation patrilinéaire, la scolarisation en langue française, etc.
Cette recherche entend étudier la genèse et le fonctionnement des dispositifs et des politiques publiques à destination des Amérindiens de 1946 à nos jours dans une perspective multiscalaire. Une pluralité d’acteurs - leaders amérindiens, élus locaux, hauts fonctionnaires, anthropologues, enseignants, médecins - concourent en effet à la production et à la mise en œuvre de ces politiques publiques selon des intérêts contradictoires et ce à différentes échelles d’action. Il s’agira donc d’articuler les différentes échelles de gouvernement et d’appréhender la coordination entre des acteurs divers (public et privé, locaux ou nationaux…) à la fois à l’échelle de la municipalité, de la collectivité régionale de Guyane, de la région amazonienne, de la nation française et de l’Union Européenne (1) et enfin à l’échelle globale. Pour cela cette étude se décline sur différents terrains et selon trois axes de recherche.
Ce projet appréhende d’abord la construction et la mise en œuvre de deux politiques publiques en Guyane, les politiques foncière et d’aménagement du territoire, ensuite les dispositifs de reconnaissance des autorités coutumières et enfin les dynamiques d’action collective des Amérindiens de Guyane.
1) Politiques foncières et d’aménagement du territoire
La première dimension d’enquête appréhendera la genèse des principaux dispositifs existant de protection des zones d’habitation et des zones de droit d’usage (agriculture, pêche et chasse) des Amérindiens de Guyane, à partir en particulier du décret de 1987 (pour de plus amples développements sur ce décret, voir la rubrique Terres, territoires, ressources). Il s’agira ensuite de saisir les appropriations locales de ces dispositifs fonciers spécifiques aux Amérindiens et aux Noirs-marrons dans les zones de droit d’usage des villages amérindiens situés sur les communes de St-Laurent du Maroni et de Maripa Soula.
2) Autorités coutumières : reconnaissance institutionnelle et dynamique autochtone
La deuxième dimension permettra d’approfondir les investigations déjà menées dans le cadre d’une thèse sur l’institutionnalisation de la fonction coutumière et de les étendre à l’étude de la création, récente, d’un conseil consultatif coutumier. Ces deux dispositifs seront appréhendés dans une perspective socio-historique et à partir d’une sociologie des acteurs administratifs et politiques qui ont concouru à ces politiques publiques. Nous serons particulièrement attentifs à la circulation de ces acteurs entre les villages, le mouvement amérindien et la scène politique régionale guyanaise, l’espace politique national et en particulier le travail parlementaire et enfin l’ONU.
3) Le Mouvement amérindien en Guyane : dynamiques locales et dynamiques globales
Enfin nous nous intéressons aux carrières des organisations amérindiennes, de leurs leaders et de l’usage qu’ils font de la ressource de « l’autochtonie ». Nous étudierons donc les différentes organisations autochtones de Guyane (AAGF, FOAG, ONAG, Villages de Guyane), les trajectoires de leurs leaders et en particulier leur expérience militante et/ou politique locale, nationale et transnationale. Comment et dans quel contexte les dirigeants associatifs, élus, chefs coutumiers des différents groupes amérindiens de Guyane commencent à utiliser le label « d’autochtones » et les concepts qui lui sont afférents forgés sur la scène transnationale ? A quel moment et dans quel autre contexte certains font le choix alternatif de ne plus utiliser cette ressource et d’investir principalement les institutions politiques guyanaises (collectivités locales et partis politiques) ? Il s’agit d’identifier les circulations des acteurs en Guyane, dans la région amazonienne, en métropole et aux Nations-Unis et les médiations qui permettent de rendre compte de l’appropriation de l’autochtonie en Guyane en étudiant la manière dont l’entreprise politique fondée sur cette ressource se déploie à différentes échelles. Cette recherche inclut une perspective comparative avec le Brésil et le Surinam.
(1) La Guyane est une Région Ultra-périphérique (RUP) de l’Union Européenne et perçoit des financements européens relativement importants principalement redistribués par l’Etat et la Région Guyane.
French Guyana is a French «overseas department and region» (DROM) of South America, and is one of the nine most remote regions of the European Union (EU). French Guyana, together with Guadeloupe and Martinique (situated in the West Indies) constitute the French departments of America (DFA).
This territory of a surface of 83 846 km2 is characterized by its Amazonian environment : 96 % of the territory is covered with an rainforest among the richest and least ecologically divided in the world.
French Guyana belongs to a larger geographical area, the Guiana Shield which includes part of Venezuela in the west, bounded by the Orinoco River; Guyana (formerly British Guiana); Suriname (formerly Dutch Guiana); and the northern part of Brazil in the East, bounded by the Amazon.
Before colonization, French Guyana was inhabited by various Native American groups whose population is estimated at 30,000 people at the time of the conquest
The upheavals caused by colonization led to an enormous demographic decline of these populations, but did not cause their extinction; today they number approximately 10 000. In addition to the Amerindians, the contemporary Guyanese population includes descendants of the slave trade; the Creoles are the descendants of African slaves, and the Maroons are the descendants of the slaves who, in the XVIIth century, escaped from the plantations of Dutch Guyana and took refuge in the forest. Various Maroon groups were formed, according to the time period and the area of marooning (ndju’ ka, aluku, paramaka, etc.). Each group speaks its own language today. Some of these groups settled in French Guiana during the XVIIIth and of XIXth centuries.
In the 1960s, the social departmentalization resulted in significant financial transfers from metropolitan France to French Guiana and allowed for a strong increase in living standards of French Guyana compared to its neighbors Brazil and Suriname. The establishment of the space center - Centre Spatial Guyanais : the European satellite launch company Arianespace’s spaceport is located in French Guyana - that began in 1965 and developed in the 1970s modifies french guiana’s economy. In addition to the planned migration of skilled Metropolitan, Caribbean workers, and Hmong in 1977, French Guyana experienced significant spontaneous migrations, including Brazilian, Haitian and Surinamese. Between 1982 and 1999, the Guyanese population grew by 115.4%, mainly due to migratory flows.
In January 2009, the population of Guyana was 225 751 inhabitants. As France does not disaggregate statistics by ethnicity, there is no official census of Amerindian and Maroons populations of Guyana. However it is estimated that there are approximately 10000 Amerindians and 60 000 Maroons. The Guyanese population is growing rapidly, from 115 000 in 1990 it increased to 157,000 in 1999. This is a result of a combination of a high rate of natural growth, and a high rate of immigration (often illegal) from nearby countries (including Brazil, Guyana, Haiti and Surinam; see Frédéric Piantoni on the migratory dynamics in Guyana). French Guiana is the French department with the highest birth rate (31 ‰). The Guyanese fertility indicator was 3,98 children per woman in 2006. The Guyanese population is thus young (median age is 28,6 years old) and in 1999, 43.3% of the population was under 20 years.
A monodepartmental region, French Guyana has a regional council and a departmental council. However, after approval by referendum on January 24th, 2010, it is planned to merge the Regional Council and the General Council in a single community. At the municipal level, there are 22 municipalities managed by mayors. The surface areas of some of these municipalities (for example, Maripasoula and Camopi) surface are larger than metropolitan departments. In addition, French Guyana is represented at the national level by 2 members of parliament and 2 senators.
The Guyanese economy is characterized by the dominating weight of the public sphere which represents 49 % of the global payroll (wage bill) compared to 21% in metropolitan France. Indeed, since the decline of the logging industry and the shrimp fishing industry in the early 1980s, the section of the productive sphere that includes (for example) industry, energy, services to companies, and transportation of goods is low in the global economic activity, and it is mainly concentrated in spatial activities. The economy of Guyana is thus strongly dependent on France and on the spatial industry (CSG), which represents half of the Gross Domestic Product (GDP) of the department. The official unemployment rate in the second half of 2010 was 21 %. The national institute of statistics (INSEE) produces regular statistical data on the economic and social situation of the department. As these data do not include ethnic variables, they do not provide information on the situation of Amerindians and Maroons in the Guyanese economy.
Because of the relatively exclusive economic and political links with the metropolis and other French departments of America, from an institutional point of view French Guyana is weakly integrated into the Amazonian area. This weak regional integration is evidenced by air transport, for example ; the airport of French Guyana provides daily connections to Paris and the french Caribbean territories, whereas it provides only one connection a week for Brazil (Belém), Surinam and Haiti (stopover in the Caribbean). However, in terms of cultural exchanges, informal economy and migratory flows, French Guyana remains strongly embedded in the South American continent and it clearly stands out from the other two French Departments of America.
Through its American departments, France is a member or associated member of different interregional organizations, for example, the Association of Caribbean States (ACS). It is not a member of the Organization of American States (OAS), which is the main institution of regional cooperation and includes 35 countries in North and South America. However, since 1972 it has had the status of permanent observer in the OAS, since November 1989 for the European Union. Moreover, a resident ambassador was appointed in November 1989, and a Permanent Mission of France in the OAS opened in 1990, demonstrating France’s desire to play a more active role in Latin America. France is also a member of the Inter-American Development Bank (IDB).
Amerindians of French Guyana are involved in transnational organizations such as COICA (founded in 1984), which federates indigenous organizations of nine countries of the Amazonian area. Exchanges between Amerindians of Guyana, Surinam and Brazil are also particularly important (for example, cultural and sporting events, and so on).
La Guyane est un département français régi par l’article 73 de la constitution, à ce titre elle ne dispose pas de spécialité législative, son autonomie politique est limitée et les adaptations des dispositifs institutionnelles et administratifs à la réalité sociale locale sont réalisées dans les marges du droit. C’est particulièrement vrai pour les populations autochtones. Ainsi il existe très peu de dispositifs institutionnels et politiques reconnus spécifiques aux Amérindiens.
La revendication d’autonomie formulée par le mouvement amérindien à partir du début des années 1980 a été partiellement satisfaite par la création de la commune d’Awala-Yalimapo. Séparée de la commune de Mana, à majorité créole, les deux villages kali’nas d’Awala et de Yalimapo forment une nouvelle collectivité territoriale, dont les résidents sont quasiment tous Kali’na. La création de cette nouvelle collectivité a permis une première expérience de gestion municipale autonome.
Toutefois cette avancée politique s’est opérée sans innovation juridique et ne semble pas pouvoir être étendue à d’autres localités amérindiennes en raison de l’opposition de la classe politique créole à la création de nouvelle commune considérée comme « ethnique ».
Les chefs coutumiers des villages amérindiens de Guyane sont reconnus par l’Etat et sont faiblement indemnisés par le Conseil général. Toutefois dans les faits, les prérogatives de ces chefs ne sont pas véritablement reconnues par l’Etat et les collectivités de Guyane. L’autorité de ces chefs est ainsi peu à peu concurrencée par celle des élus des communes sur le territoire desquelles se situent les villages amérindiens. Une commission consultative mixte (amérindienne et noirs-marrons) a bien été créée en 2009 mais sa fonction apparaît limitée, elle ne peut émettre que des avis consultatifs sur les décisions des collectivités de Guyane et ses membres sont nommés par l’administration et non désignés par les communautés autochtones elles-mêmes.
Le mouvement amérindien a commencé en décembre 1984 lorsque l’Association des Amérindiens de Guyane Française (AAGF), fondée en 1981, organise le premier rassemblement des Amérindiens de Guyane, événement qui marque symboliquement l’entrée des Amérindiens dans l’espace politique du département. Les leaders de l’AAGF revendiquent la « souveraineté sur leurs territoires » à un moment où la concurrence autour des terres traditionnellement occupées par les Amérindiens sur le littoral est de plus en plus forte. C’est autour du concept d’autochtonie que se structurent les revendications de l’organisation ; Félix Tiouka, l’un des fondateurs de l’AAGF, affirme ainsi leur «volonté d’exister en tant qu’Amérindiens descendants des premiers occupants de ce département».
Les revendications du mouvement amérindien ont été rapidement relayées en métropole ; le discours de Félix Tiouka est ainsi diffusé dès 1985 dans la revue Ethnies, publiée par la section française de l’ONG Survival, les Amis de la terre et d’autres organisations telles que le CSIA relaient également en France hexagonale les revendications du mouvement amérindien de Guyane. Au début des années 1990, les dirigeants de l’AAGF développent des activités sur l’ensemble du territoire guyanais, font la tournée des villages et fournissent à leurs habitants des conseils juridiques pour fonder des associations et les incitent à revendiquer la propriété des terres de leur village, dans le cadre du décret de 1987. Ils suscitent ainsi la création de nombreuses associations locales ce qui permet en 1992 de créer la Fédération des Organisations Amérindiennes de Guyane (FOAG) qui succède à l’AAGF en 1992. C’est à partir de ce moment que les dirigeants du mouvement amérindien portent les revendications amérindiennes de Guyane à l’ONU et renforcent les liens avec les organisations indigènes amazoniennes, en particulier la COICA. A partir de 2001, le monopole de la FOAG à représenter l’ensemble des Amérindiens de Guyane est contesté et d’autres organisations apparaissent en particulier, Villages de Guyane qui regroupe des chefs coutumiers et des présidents d’associations locales. Le Forum des élus amérindiens de Guyane organisé en 2001 apparaît également comme une alternative à la FOAG fondée sur la légitimité d’élu. En effet, si les Amérindiens sont encore quasi absents des partis politiques guyanais et dans les instances régionales et générales (pas de conseiller régional en 2001, un seul conseiller général), on compte en revanche deux maires amérindiens à Awala-Yalimapo et Camopi et de nombreux conseillers municipaux. En 2004, la présidente de Villages de Guyane et cheffe coutumière de Balaté, Brigitte Wyngaarde devient la porte-parole des Verts Guyane qu’elle a contribué à fonder, elle porte ainsi également sur la scène politique régionale institutionnelle certaines revendications amérindiennes. Lorsqu’elle se retire de la vie politique guyanaise en 2010, Alexis Tiouka, ancien membre des instances dirigeantes de la FOAG et élu de la mairie d’Awala-Yalimapo continue à marquer les Verts devenu Europe écologie-les Verts d’une forte présence amérindienne.
Depuis 2010, la crise de gouvernance au sein de la FOAG qui date du début des années 2000 a éclaté au grand jour. En 2010, à l’issue d’un congrès extraordinaire l’ancienne direction de la FOAG a été démise de ses fonctions puis la nouvelle direction et en particulier Florencine Edouard, sa coordinatrice générale a décidé de la dissolution de la FOAG et la création d’une nouvelle entité, l’ONAG. Toutefois Jean-Aubéric Charles, l’ancien dirigeant de la FOAG a contesté la légalité de cette opération, à l’heure actuelle il existe donc deux organisations qui se revendiquent toutes deux comme représentante légitime et exclusive des Amérindiens de Guyane.
As the majority of the lands of Guyana are the property of the French State, the legal status of land in Guyana is unique in metropolitan France or the other French overseas departments. This singularity is due to the history of colonization; France began taking hold of the land in Guyana under the Restoration by the royal ordinances of 1825, and the Decree of November 15th, 1898 confirmed this process. According to the doctrine of terra nullius all vacant and ownerless land, woods and forests – covering virtually the entire territory of Guyana – belongs to the state. As particular land tenure (the prison domain and the domain of Inini, respectively managed by the prison authorities and by the prefecture) ended, the state-owned lands are managed by a single status. The State was nevertheless forced to give up part of the public lands to local authorities and to private individuals to favor the populating of the land, and the development of economic activity.
Concerning Amerindian and Maroon populations, since 1948 the state has officially recognized their right to use its field. It was only at the end of 1980s when the Amerindian movement became institutionalized that the French State satisfied in a limited way its land claims through the decree of April 14th, 1987. It gives "communities of inhabitants traditionally living on the forest" the possibility to obtain "use rights areas" and to become collective owners of the land where their village is settled. "Use rights areas" are usually in the forest quite close to villages, and usually implanted around a river, which facilitates at the same time access to the area, and traditional activities such as farming, hunting and fishing. This decree is an important juridical improvement as before this measure, only private individuals could become owners, and so Amerindian communities were deprived of any collective land rights. According to the decree of 1987, the "use rights areas" are entrusted to the authority of the customary chiefs, whereas, according to a 1901 law, a non-profit organization is responsible for the property of the village land.
The procedures of allocation (attribution) of the use rights areas, such as the procedures of ownership, have played a significant role in allowing State representatives to avoid local pressure and obstacles. The state administration does not allow Amerindians or Maroons to be owners of their land without the consent of the municipalities, and the veto of the mayor in the land allocation committee is enough to stop the process. Thus sixteen years after the publication of the 1987 decree, only three Amerindian villages have benefited from the property (ownership); everywhere else the local representatives opposed it. By contrast, the allocation (attribution) of use rights areas was easier: a majority of Amerindian villages on the coast and inside the department benefit from such an area called "zone de subsistance". However there is nothing to protect these zones.
In the South of Guyana in particular, the use rights areas of Wayana, Teko and Wayampi are strongly damaged by illegal goldminers.
Goldmining results in deforestation, significant mercury pollution and an increasing insecurity in Amerindians living spaces.
La Guyane présente une grande diversité linguistique. Outre les langues amérindiennes, elle compte en effet des langues créoles à base lexicale anglaise que parlent les différentes populations noirs-marrons (aluku, ndjuka, paramaka, saramaka) et le créole guyanais à base lexicale française. En outre, les populations issues des migrations contemporaines telles que les Hmong, les Brésiliens ou les Haïtiens ont également leur propre langue.
En ce qui concerne les Amérindiens, chacun des 6 groupes amérindiens a sa langue propre qui appartiennent à trois grandes familles linguistiques (caribes, arawak et tupi-guarani). Les langues autochtones ne sont toutefois pas dans la même situation, le lokono apparaît en effet sévèrement menacé et ne compte plus qu’une dizaine de locuteurs, le teko est également dans une situation critique étant donné la faiblesse de la population teko. Le kali’na, le wayana,le wayampi et le palik’wene semblent en revanche plus robustes. La DRAC et l’IRD finance des projets d’étude et de valorisation des langues autochtones. Toutefois l’enregistrement des langues et les groupes de travail sur les langues autochtones sont à l’initiative de chercheurs et de responsables locaux mais ne font pas l’objet d’une politique étatique globale de préservation des langues.
En l’absence de statistiques ethniques en Guyane, il est difficile de connaître la situation spécifique des autochtones du point de vue de l’accès à la santé, à l’emploi, à l’éducation….Toutefois, au regard du faible nombre d’Amérindiens qui obtiennent le baccalauréat et peuvent poursuivre des études supérieures, un écart significatif paraît se maintenir en termes d’accès, de suivi et de réussite entre élèves autochtones et non-autochtones en Guyane. Il n’existe pas de dispositif d’éducation spécifique autochtone et l’Etat français ne reconnaît pas aux Amérindiens de Guyane le droit à suivre un enseignement dans leur(s) langue(s) et selon leurs propres systèmes de savoir.
Le seul dispositif visant à adapter l’Education nationale aux conditions d’enseignement en milieu autochtone a été initié en 1998 par le rectorat de Guyane en partenariat avec des linguistes de l’IRD afin de recruter et de former des médiateurs culturels et bilingues.
Dans un contexte où la grande majorité des enseignants est extérieure aux communautés autochtones dans lesquelles elle enseigne, n’a pas de langue d’interlocution avec de jeunes autochtones non francophones et est peu ou pas préparé à cette rencontre, les médiateurs-bilingues permettent d’assurer une présence de la langue maternelle à l’école, en priorité dans les petites classes.
Cette présence vise à rassurer les enfants, à accompagner le développement du langage dans la langue maternelle de l’enfant et à assurer une médiation entre enseignants, élèves et parents. Ce dispositif est toutefois précaire, il a été interrompu à plusieurs reprises, les médiateurs-bilingues ne disposent pas d’un véritable statut au sein de l’éducation nationale et il ne concerne qu’une partie des villages amérindiens, de nombreux villages situés dans les communes du littoral n’y sont par exemple pas inclus. `
Les Amérindiens disposent d’un magazine autochtone, Oka mag ; en revanche ils ne bénéficient pas de radios autochtones comme c’est le cas au Surinam. Depuis les années 1980, de nombreuses associations locales s’emploient à valoriser les savoir-faire et traditions amérindiennes. Groupes folkloriques, artisanat, festival de musique, manifestations sportives traditionnelles, les Amérindiens ont réussi à rendre visible de nombreux aspects de leur culture.
C’est particulièrement le cas dans la commune d’Awala-Yalimapo qui a développé une politique culturelle forte. Dans cette commune comme ailleurs, les associations culturelles amérindiennes bénéficient de financements locaux comme étatiques et sont régulièrement invitées aux différentes manifestations culturelles guyanaises. Toutefois cette volonté de promotion des cultures amérindiennes n’est pas toujours dénuée d’ambiguïté comme en atteste le projet controversé de construction de carbet amérindien au jardin d’acclimatation dans le cadre de l’année des outre-mer.