Un article d’Irène Bellier intitulé « Les peuples autochtones aux Nations unies : un nouvel acteur dans la fabrique des normes internationales », est paru dans Critique internationale (N°54-janvier-mars 2012).
Cet article montre comment les représentants des peuples autochtones construisent les principes d’une reconnaissance comme sujets collectifs de droits, depuis la scène des Nations unies et sur la base d’un mouvement international dans 90 pays. Faiblement structuré mais efficace en termes d’alliances stratégiques, ce mouvement a obtenu en 2007 que la communauté internationale se dote d’un instrument juridique : la Déclaration des Droits des Peuples Autochtones. Pour être morales, et parce qu’elles peuvent avoir des conséquences politiques, financières et légales, ses dispositions sont susceptibles d’induire des transformations significatives dans le champ du politique, de la gouvernance et de l’autonomie. L’impératif de la participation aux activités des Nations unies a permis la formation d’un " nous, peuples autochtones ", structuré un espace de revendications qui déborde l’institution, relié la scène des droits de l’homme aux autres domaines de politiques publiques. En contribuant à la fabrique des normes, cet acteur politique multicéphale s’est doté sur la scène internationale d’une voix collective, capable de résoudre les tensions inhérentes à la dispersion spatiale, à la fragmentation linguistique, à l’atomisation politique. Cette formation internationale interroge, au regard des décalages observés localement dans les modes d’identifications et de classement étatiques comme dans les expériences politiques et économiques.
This article examines the manner in which representatives of indigenous peoples use the platform of the United Nations and an international movement in ninety countries to construct the principles upon which they may be recognized as collective, rights bearing subjects. In 2007, this movement largely unstructured but effective in terms of strategic alliances successfully established a legal instrument at the level of the international community : the Declaration on the Rights of Indigenous Peoples. In order to be moral and because they can have political, financial and legal consequences, these measures are capable of giving rise to significant transformations in the fields of politics, governance and autonomy. The need to participate in the activities of the United Nations allowed the formation of a collective native "us", structured a space for demands that went beyond the institution and related it to the field of human rights in other areas of public policy. By contributing to the fabrication of norms, this multi headed policy actor furnished itself with a collective voice on the international scene capable of resolving the tensions inherent to spatial dispersion, linguistic fragmentation and political atomization. As an international entity, it raises a number of questions regarding locally observed discrepancies, modes of identification, state classifications and political and economic experiences.
L’anthropologie des organisations internationales
Sous la responsabilité de Birgit Müller
Du point de vue des acteurs locaux, les interventions des organisations internationales apparaissent souvent contradictoires et incompréhensibles. Si elles affichent de grands principes moraux et prônent l’engagement pour l’émancipation et l’égalité devant le droit, leurs projets et leurs normes entretiennent une relation complexe avec les États et les intérêts économiques privés. Les anthropologues étudient comment les institutions internationales impliquent des acteurs individuels et collectifs dans l’élaboration des politiques, absorbent les critiques, tentent de neutraliser les conflits et de créer de nouveaux champs politiques, en collusion ou en concurrence avec les acteurs locaux et les gouvernements nationaux.
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Irène Bellier, « Les peuples autochtones aux Nations unies : un nouvel acteur dans la fabrique des normes internationales », Critique internationale, N°54, janvier-mars 2012, pp. 61-80.