Irène Bellier, Directrice de Recherche au CNRS, LAIOS-IIAC
Jessica De Largy Healy, chargée de recherche au Musée du quai Branly
Barbara Glowczewski, Directrice de Recherche au CNRS, LAS
2e et 4e mercredis du mois de 10 h à 13 h (salle 8, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 11 décembre 2013 au 26 février 2014 ; puis (amphithéâtre François-Furet, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 12 mars 2014 au 14 mai 2014) .
Nous proposons, suite aux cinq années de notre séminaire “Images et politiques de l’autochtonie” (ouvert aux masters), une nouvelle formule qui mettra en perspective les conditions de conception, de production et de réalisation de la "matière" des images des films analysés, au regard des enjeux de la reconnaissance.
Nous interrogerons la notion de "reconnaissance" telle qu’utilisée, particulièrement en anthropologie, tant au niveau politique et juridique contemporain, que dans le vaste champ de la circulation des images qui donnent à connaître des situations et conflits (sociaux, culturels, économiques, etc) en les reconnaissant, soit comme "déjà vues" ou comparables à ce qui est connu, ou au contraire comme révélation, découverte, critique, etc.
L’objectif est de mettre en valeur les processus de "création" des acteurs autochtones concernés et de ceux qui collaborent avec eux (cinéastes, anthropologues, juristes, etc) face aux discours véhiculant des notions préconçues d’"authenticité culturelle" qui bloquent concrètement les stratégies modernes de reconnaissance. Ce phénomène de rejet s’observe tant dans le non respect des droits humains que dans le déni des revendications territoriales : voir par exemple une déclaration de Jean Leclair au workshop SOGIP 2011 à propos de la manière dont les Cours canadiennes examinent l’authenticité des modes de vie ancestraux.
Nous prévoyons d’analyser des films réalisés par des autochtones (pour la télévision ou le WEB) en Australie, en Guyane française, et dans d’autres pays d’Océanie ou d’Amérique latine. Voir par exemple un film réalisé en 2013 par la télévision Maori au Brésil.
Martin Thomas (historien, Australian National University) présentera le cadre général des politiques de restitution de restes humains en Australie. Il présentera un film qu’il a réalisé sur le rapatriement d’ossements humains dans la communauté aborigène de Gunbalanya, à l’ouest de la Terre d’Arnhem en Australie : « Film at the Interface : On the Politics of Human Remains Collection and Repatriation in a North Australian Aboriginal Community ».
Sebastien Minchin (directeur du Museum d’Histoire naturelle de Rouen), l’institution qui fut à l’origine de la restitution française des têtes maori à la Nouvelle-Zélande en 2012, George Nuku, artiste maori (sous réserve)
et Jessica De Largy Healy présenteront le film La fabuleuse histoire de la tête maori (2011, dir P. Tourancheau, 52’) qui retrace la complexité et les enjeux de cette restitution. Ils commenteront le débat que la projection du film a suscité entre plusieurs conservateurs au dernier Festival de films du Pacifique de Rochefort (voir Journal de la Société des Océanistes, 136-137, 2013 et numéro spécial du JSO 134 (2012-1) sur la restitution des têtes tatouées momifiées maori).
Raphael Devos, anthropologue brésilien (responsable de la licientiatura indigène à UFSC) et Vivianne Vedana (post doc à Porto Alegre) présenteront un film (30’) qu’ils ont tourné avec les Guarani du Brésil.
Juliano José De Araujo, doctorant en Cinéma documentaire (Université d’État de Campinas, Brésil) : met en rapport des auteurs du cinéma ethnographique (particulièrement Jean Rouch) et des questions de l’anthropologie filmique (selon Claudine de France) avec la production contemporaine des cinéastes autochtones brésiliens dans le cadre du projet Vidéo dans les Villages. L’objectif de sa recherche est d’appréhender et discuter des questions d’éthique, de l’esthétique et de la politique concernant l’appropriation des outils audiovisuelles par les cinéastes indigènes pour la production de documentaires.
Max Lenoy (maître de conférence aborigène en éducation indigène et nouvelles technologies, JCU) présentera une sélection de films aborigènes, tel :
Babakiuera, 1986 film (26’) : « mockumentary » (satire) politique qui inverse la situation de l’Australie : des noirs débarquent pour controler la vie des Blancs, avec Mitch Torres, dans le rôle journaliste (devenue depuis cinéaste et militante contre l’exploitation du gaz dans la région de Broome. Film en ligne sur le site de l’Aboriginal legal service
Pascale de Robert (chargée de recherches à l’IRD) présentera des extraits du film réalisé avec Bepunu Kayapo pour relater, à son retour au Brésil, le voyage d’une délégation kayapo en France.
Paula Morgado (Université de Sao Paulo, Brésil), anthropologue visuelle présentera son film Le grand voyage Pankararu, 2007, 51 min. Réalisation: Paula Morgado & João Cláudio de Sena
Les Pankararu originaires du village Brejo dos Padres sur les rives du fleuve São Francisco (état du Pernambouc, Nord-Est brésilien), ont entamé leur migration vers Sao Paulo en 1950, fuyant la sécheresse, la famine et les conflits avec ceux qui s’appropriaient leurs terres. Environ 500 d’entre eux se sont installés dans le bidonville Real Parque, sur les berges de la rivière Pinheiros à Sao Paulo, à la recherche d’un nouveau mode de vie. Ce documentaire offre un kaléidoscope du regard Pankararu sur ce voyage sans fin.
Discussion sur les solidarités autochtones, à propos du film tourné par la Télevision Maori chez les Guarani en 2013.
Gabriela Chihuailaf (Mapuche, chercheuse en maîtrise de communication audiovisuelle des peuples originaires) présentera Kallul Trawun, un film de Francisco Huichaqueo (25’), artiste mapuche, plasticien, vidéaste et contextualisera l’émergence et les développements du cinema mapuche.
Irène Bellier introduira la discussion sur le documentaire de Christophe Coello et Stéphane Goxe, 2011, 82’
La Tierra siempre la tierra (Retour en terre mapuche). Pour Stéphane Goxe : « Ce qui est au cœur du dispositif de Retour en terre mapuche (Mari Chi Weu), c’est non seulement de retourner sur les pas de quelques-uns des personnages du premier film, mais en même temps de leur soumettre des extraits de ce premier film où ils intervenaient. De soumettre à l’épreuve du temps les paroles et propos qu’ils tenaient à la fin des années 1990, de voir quel effet ils produisent à dix années d’écart, sachant que ces dix années ont été des années de lutte, de répression, de clandestinité et d’emprisonnement pour la plupart des personnages de Mari Chi Weu. »
À lire :
• Ana Guevara et Fabien Le Bonniec, « Wallmapu, terre de conflits et de réunification du peuple mapuche », Journal de la société des américanistes, 2008.
Joëlle Rostkowski (consultante UNESCO, enseignante EHESS, manager Orenda Gallery) introduira la discussion à propos du film American Outrage (55’), mettant en scène l’histoire de 2 sœurs shoshone qui ont bataillé pendant 35 ans contre le gouvernement pour défendre droits fonciers et modes de vie, jusqu’à faire appel à la cour suprême ;
Les réalisateurs et producteurs du film, Beth and George Gage, se sont détournés de la réalisation de films publicitaires et de fiction pour tourner des documentaires en appelant à la prise de conscience, centrés sur les questions de société et de justice environnementale et sur des sujets sous-représentés dans les media dominants.
La présentation de courts métrages réalisées par le projet Outta Your Backpack Media Project permettra d’évoquer représentations de l’histoire (Thanks taking) et enjeux du développement durable (Visions of desecration – Protect Sacred Sites).
À lire :
• Joëlle Rostkowski, 1970, Le renouveau indien aux États-Unis, un siècle de reconquêtes, Paris : Albin Michel
• Joëlle Rostkowski et Nelcya Delanoë (2002), Voix indiennes, voix américaines, deux visions de la Conquête du Nouveau Monde, Paris : Albin Michel.
Les étudiants inscrits seront invités dès la première séance du 11 décembre à choisir pour janvier des séquences filmiques ou imagées en rapport avec leurs sujets, en proposant une étude, et un commentaire. Les étudiants pourront puiser dans la liste des films et des liens en ligne étudiés en cours de séminaire ou encore choisir des extraits d’autres films – y compris les leurs – pertinents pour leur recherche de master. Les analyses filmiques des étudiants seront exposées à la dernière séance du 9 avril, discutées et notées ensuite pour la validation du séminaire.
INVITE SPECIAL, Donald Clark, délégué aborigène de l’Indigenous Social justice Association qui vient de recevoir le 2013 Human Rights Prize of the French Republic, de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme. En compagnie de Sue Darling, présidente de ENIAR, Londres.
Barbara Glowczewski (30’) : le WEB comme instrument culturel et politique. Exemples de messages et formes narratives développées par les Aborigènes ou en soutien aux Aborigènes.
Clip de soutien à Palm island réalisé par l’anthropologue après la mort en garde à vue de 2004.
Clips de Curtis Taylor, cinéaste mardu du désert de l’ouest (exposition Mémoires vives au Musée d’Aquitaine, 15 octobre-janvier 2014) mettent en valeur la mémoire mythologique et historico-politique de son peuple : Puntukurnu Parna (Land rights=2’), Mamu, a film maker vision (interview du cinéaste). Voir aussi One Road, Application sur portable qui reprend de manière interactive l’exposition de Canberra sur la Canning Stock Route, où sont intégrés des films tournés par Curtis Taylor.
Jessica De Largy Healy (30’) : Terre d’Arnhem. Du cinéma à la Toile. Une introduction en images aux manières créatives dont les Yolngu de la Terre d’Arnhem se sont historiquement saisis des technologies visuelles pour produire des images de leur culture pour différents publics.
Irène Bellier (30’) : Pérou : Lire les images mises en scène et en ligne par autrui : où qui sont les acteurs d’une aire de conservation régionale ?
À propos des Mai huna : extrait d’un film (5’), un regard critique sur le processus de la consultation anticipée ; avec rappel de l’importance du processus dans UNDRIP.
Lectures recommandées pour les séminaires de décembre à février :
• Irène Bellier (ed), 2013, Peuples autochtones dans le monde : les enjeux de la reconnaissance, Paris, éditions L’Harmattan (voir présentation)
• De Largy Healy, Jessica, 2013, “Yolngu Zorba meets Superman. Australian Aboriginal people, mediated publicness and the culture of sharing on the Internet”, Anthrovision (journal en ligne)
• Glowczewski, B. 2004, Rêves en colère. Avec les Aborigènes, Paris, Plon Terre Humaine.
• Glowczewski, B. 2013, « ‘We have a Dreaming’ How to translate totemic existential territories through digital tools » in Aaron Corn, Sandy O’Sullivan, Lyndon Ormond-Parker, Kazuko Obata (eds) Information Technology and Indigenous Communities (symposium 2009), Canberra, AIATSIS Research Publications, téléchargement gratuit
• Glowczewski B. & J. De Largy Healy (sort en janvier 2014), “Valeurs et réapppropriations patrimoniales, des musées à la Toile : exemples australiens et polynésiens”, in L. Dousset, B. Glowczewski & M. Salaün (eds), 2013, Les sciences humaines et sociales dans le Pacifique Sud : Terrains, questions et méthodes, Marseille: CREDO éditions.
• Journal de la société des Océanistes, n°136-137, 2013, numéro spécial La part d’ « immatériel » dans la culture « matérielle ».
Intitulés généraux :
Centre : LAS - Laboratoire d’anthropologie sociale
Renseignements : par courriel : barbara.glowczewski(at)gmail.com.
Direction de travaux d’étudiants : par courriel : barbara.glowczewski(at)gmail.com.
Réception : Barbara Glowczewski (sur rendez-vous) au Laboratoire d’anthropologie sociale, Collège de France 52 rue du Cardinal-Lemoine 75005 Paris.
Niveau requis : de préférence master 1.
Site web : http://las.ehess.fr/document.php?id=143
Site web : http://www.ehess.fr/fr/enseignement/enseignements/2013/ue/486/